Cahier de citations
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La leçon chinoise,
en somme, est que l’efficacité est toujours le résultat d’un processus. Il y faut du déroulement. Vous retrouvez là la grande notion chinoise de tao, la “voie”, ou, comme je viens de le traduire à l’instant, la viabilité. Car ne nous y trompons pas, en dépit de ce que paraît avoir fatalement de commun, à travers la diversité des cultures, ce thème de la “voie” : la voie chinoise n’est pas une voie qui “mène à”, telle la voie religieuse européenne, ou la voie de la philosophie qui, comme au début du Parménide, conduit à la vérité. Dans le contexte chrétien, la voie mène au Père (au Salut, à la Vie éternelle). Notre imagination européenne de la voie est liée à l’idée d’aboutissement, toujours le telos ; alors que le tao chinois n’est pas une voie qui mène à, mais la voie par où ça passe, par où c’est possible, par où c’est “viable”. Elle est la voie de la régulation, la voie d’harmonie par où le processus, parce qu’il ne dévie pas, se trouve incessamment reconduit.
elle s’est parfumée pour moi,
je pourrais lui caresser les fesses, la déshabiller, ma femme soudain nue, la cicatrice de la césarienne subie à la naissance de notre fils doublant la cicatrice de son appendicite, dans une des lettres que me remettait Aldina, accompagnée de félicitations et de promesses de photos de nous tous en vacances qu’elle m’enverrait dans quinze jours
– Elle est née par césarienne la pauvre
à la fin de sa lettre une ligne tordue, comme écrite debout, sa soeur
– Un bébé quelle joie félicitations cher beau-frère
moi à Aldina
– Quelle joie ?
Aldina muette et moi
– Ne fais pas attention
la fille de celui qui tenait la carte sur ses genoux à Luanda la scène des clefs qui se répétait sur le palier, il me fallait rallumer deux fois la lumière du couloir
– Rallume la lumière s’il te plaît
le bouton dans le noir réduit au même petit point pâle entouré par les mêmes carreaux de faïence et près du même paillasson
Bienvenue
aujourd’hui usé jusqu’à la corde, une absence de poil, la même sonnette, presser la sonnette pour voir si elle a toujours la même son et c’est le cas, le même tintement solitaire, on s’imagine perdu dans des cavernes pleines d’échos, ma femme, avec une sorte de roucoulement, rapproche mon nez du bouton de son col et sous son parfum
une impression à moi peut-être
cette odeur de plaie désinfectée, les garçons sont à l’école, le bébé qui était une joie à la crèche et moi seul avec elle
– Je suis cuit
Je ne suis unique
que par moi et pour moi. Votre empressement à m’expliquer manie trop aisément le scalpel de l’autopsie et du défoulement. Il n’y a de meilleure curiosité à mon propos que la mienne. Et même si ta tendresse m’aide à y voir plus clair, ne suis-je pas le seul qui puisse tirer quelque lueur de l’ombre ?
L’amour des autres
commence par l’amour de soi. Se caresser et caresser les autres, n’est-ce pas le début de toute communication authentique, de tout contact vraiment humain ? La raison des amours se moque de la raison marchande.
La jouissance dissout la séparation, le devoir, l’échange. Elle veut un monde qui crée son unité par la caresse, du langage aux gestes, de la musique aux parfums. Ne le pressentez-vous pas chaque fois qu’il vous est donné d’aimer sans contrepartie, de ne pas vous soucier d’être aimé pour aimer ?
Si le hasard
des rencontres m’offre ton amour et t’offre le mien, ne va pas réduire à un échange l’harmonie de nos désirs. Il n’y a d’échange que de mauvais procédés. Ai-je besoin d’être aimé pour aimer ? Ai-je donc si bien appris à m’aimer si peu ? Qui n’est pas rempli de ses propres désirs ne peut rien donner. Qui va donnant-donnant va doucement vers l’ennui, la fatigue et la mort.
Je peux tout dés l’instant où je n’attends rien, où je ne dois rien. Quoi que ce soit que tu me demandes, tu risques de me trouver démuni. J’ai plus à offrir à qui n’espère rien de moi.
Je veux me battre
pour jouir mieux, non pour souffrir moins.