Je suis de plus en plus convaincu que tout ce qui nous éjecte de chez nous est bon et que tout ce qui nous y enferme – “la petite maison, c’est confortable” – est mortel. Aller au cinéma, c’est traverser la rue, faire la queue, fumer une cigarette dans le vestibule, acheter des pralines pour gêner son voisin pendant le film, jouir de la vue des genoux exhibés par la jeune voisine qu’un heureux hasard a bien voulu placer à nos côtés, entendre les toux, les rires mal à propos, des cris de panique… Aller au cinéma, c’est applaudir lorsque le héros vient racheter la jeune fille séquestrée par les “Commanches”. La grâce du cinéma tient de cette révélation faite à un groupe – au moins je le crois : nous ne pouvons pas arrêter, répéter ni interrompre une manifestation qui vient des hauteurs. Le cinéma n’est pas un divertissement individuel que je contrôle au gré de mes humeurs. Voir un film tout seul à la maison c’est un peu comme s’enivrer à l’eau de javel dans sa cuisine. La télévision nous soumet en revanche à des horaires et elle est aussi fugitive que le vrai cinéma. Mais la vidéo nous livre à nos caprices privés et nous ne serons jamais aussi angoissés que lorsque nous restons seuls avec nous-mêmes. Faust demanda à Méphidtophèles un moment assez beau pour qu’il puisse crier : “Arrête-toi ! ” c’est ainsi qu’il tua Marguerite…