Le cri d’insubordination s’entend ici comme un ténu murmure de mécontentement, comme un bruit sourd de non-subordination. La non-subordination, c’est la lutte, simple et non spectaculaire, pour pouvoir dessiner sa vie, sa propre vie. C’est l’opposition de chacun à renoncer aux menus plaisirs de la vie, c’est la résistance à se transformer en machines, c’est la détermination à forger et à maintenir un certain pouvoir-de. Ce type de non-subordination n’est pas nécessairement une opposition ouverte et consciente, mais il constitue un obstacle puissant à l’expansion vorace du capital et à l’intensification de sa puissance.

La tendance à subordonner avec une intensité croissante toutes les sphères de la vie est l’essence même du néolibéralisme, qui est une tentative de résoudre la crise par l’accentuation et la réorganisation de la subordination. La séparation du sujet et de l’objet (la déshumanisation du sujet) est poussée vers de nouvelles limites par le recours massif à l’argent-roi commandant toute chose. Si, au XVIIIe siècle, le capital a établi sa domination grâce au mouvement des enclosures (c’est-à-dire la séparation des individus de la terre), aujourd’hui le capital essaie de surmonter sa crise par un nouveau “mouvement des enclosures”, saisissant toujours plus d’espaces de l’activité sociale, imposant la domination de l’argent où la subordination était auparavant indirecte. La marchandisation des terres, la marchandisation croissante des soins et de l’éducation, l’extension de la propriété (qui inclut à la fois les logiciels et le génome humain), la réduction de la protection sociale dans les pays où elle existait, l’intensification du travail, doivent être considérés comme des moyens d’extension et de potentialisation de la subordination.