.
Il est amusant de constater que les pouvoirs tentent de nous persuader
de la nécessité de tirer des bordées successives entre l’inflation et le chômage pour atteindre le but souhaité du bien-être dans l’expansion continue. Or, utiliser le profit pour maintenir les échelles hiérarchiques de dominance, c’est permettre, grâce à la publicité, une débauche insensée de produits inutiles, c’est l’incitation à dilapider pour leur production le capital-matériel et énergétique de la planète, sans souci du sort de ceux qui ne possèdent pas l’information technique et les multiples moyens du faire-savoir. C’est aboutir à la création de monstres économiques multinationaux dont la seule règle est leur propre survie économique qui n’est réalisable que par leur domination planétaire. C’est en définitive faire disparaître tout pouvoir non conforme au désir de puissance purement économique de ces monstres producteurs.
Je souhaite une culture faisant l’école buissonnière,
le nez barbouillé de confiture, les cheveux en broussaille, sans pli de pantalon et cherchant à travers les taillis de l’imaginaire le sentier du désir.
..
.
….
Le soir Gerald venait souvent avec moi dans la chambre noire
où je faisais alors mes premiers pas dans la photographie. La pièce, sorte de cagibi situé derrière le laboratoire de chimie, n’avait pas servi depuis des années mais ses placards et ses tiroirs renfermaient encore plusieurs étuis contenant des rouleaux de pellicule, une grosse réserve de papier photo et une collection hétéroclite d’appareils, parmi lesquels un Engin comme j’en possédai un plus tard. Essentiellement, ce qui m’a intéressé au début, c’est la forme et l’accomplissement des choses, la ligne élancée d’une rampe d’escalier, la cannelure de l’ogive sur un portail de pierre, l’enchevêtrement incroyablement précis des brins d’herbe sur une touffe desséchée. J’ai tiré des centaines de clichés de cette sorte à Stower Grange, la plupart du temps en format carré, et en revanche il m’a toujours paru inconvenant de braquer le viseur de mon appareil sur une personne. Ce qui m’a constamment fasciné dans le travail photographique, c’est l’instant où l’on voit apparaître sur le papier exposé, sorties du néant pour ainsi dire, les ombres de la réalité, exactement comme les souvenirs, dit Austerlitz, qui surgissent aussi en nous au milieu de la nuit et, dès qu’on veut les retenir, s’assombrissent soudain et nous échappent, à l’instar d’une épreuve laissée trop longtemps dans le bain de développement.