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On nous a dès l’enfance inculqué,
gravé dans l’esprit, l’amour des hommes en armes. Nous avons grandi comme si nous étions toujours en guerre, même ceux qui sont nés des dizaines d’années après. Aujourd’hui encore après les crimes de la Tcheka, les exactions staliniennes et les camps, après les récents évènements de Vilnius, de Bakou, de Tbilissi, après Kaboul et Kandahar, nous voyons toujours dans un homme armé le soldat de 1945, le soldat de la Victoire. Tant de livres ont été écrits sur la guerre, tant d’armes ont été fabriquées par la main et l’intelligence de l’homme que l’idée de meurtre est devenue normale. Alors que les esprits les meilleurs s’interrogent sur le droit qu’auraient les humains de tuer les animaux, nous autres, sans trop hésiter ou forgeant à la hâte un idéal politique, nous sommes capables de justifier la guerre. Allumez votre poste de télévision le soir et vous verrez avec quelle secrète exaltation nous portons en terre nos héros. En Géorgie, en Abkhazie, au Tadjikistan… Et sur leurs tombes nous élevons des stèles et non des chapelles funéraires…
Je hais la guerre et l’idée même qu’un homme ait droit de vie et de mort sur un autre homme.
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Il est plongé dans l’histoire de la logique,
cherchant à vérifier son intuition que la logique est une invention humaine et n’est pas une partie constitutive de l’être, et que en conséquence (il y a de nombreuses étapes intermédiaires, mais il pourra voir cela de plus près plus tard) les ordinateurs sont simplement des jouets inventés par des gamins (Charles Babbage en tête) pour amuser d’autres gamins. Il y a de nombreuses alternatives à la logique aristotélicienne, il en est convaincu (mais combien ?), chacune valant bien la logique de l’un ou l’autre. La menace que représente le jouet grâce auquel il gagne sa vie, la menace qui en fait plus qu’un simple jouet, est que cela va inscrire le mode de l’un ou l’autre dans les cerveaux des usagers, et les enfermer de façon irréversible dans sa logique binaire.
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Pour notre bien commun,
nos managers régaliens voudraient éradiquer en chaque individu sa mauvaise graine, l’exorciser du moindre écart réglementaire, le sevrer de toute addiction nuisible, le réduire à sa plus simple expression kantienne, un agent de contrôle de sa propre rectitude morale. Et, “en même temps”, nulle objection à ce que la dérégulation économique fasse rage, à ce que les entreprises s’émancipent de leurs contraintes éthiques ou fiscales, puisque la Loi du marché, c’est tout naturellement de n’en respecter aucune. Un tel double discours du non-droit et du laisser-faire – privant chacun de tout sauf le secteur privé – réserve le respect d’un civisme intrusif à nos consciences fautives, sous prétexte de nous bonifier un par un, à un tel point de pureté que ça laisse à notre libre arbitre, avec ses hauts et ses débats, zéro marge de manœuvre, sinon le règne absolutiste du souverain Bien.