A&O (sans entrain-réticent):

M-m. Les jeunes gens d’aujourd’hui – et les idéologies aussi, style marxisme – sont hostiles à la tradition. Et nous, nous nous sentons étrangers à l’art moderne & à l’époque en général. Ma vie durant je me suis efforcé de mettre à jour ma ‘lignée’ ; et de me considérer – du moins certaines fois – comme un ‘chaînon’ de cette tradition : je me réjouis d’avoir des prédécesseurs. Pour la tournure d’esprit, comme LUCIEN ou WIELAND ; (quoiqu’il m’ait été donné de pouvoir rendre hommage à JEAN PAUL ou COOPER). Pour le traitement de surface comme FISCHART, SMOLLETT, JOYCE. Ou justement pour la construction, ‘l’échafaudage’ : je veux dire que, au fond, la ‘princesse Brambilla’ de HOFFMAN est un livre à deux colonnes comme ‘Kaff’ ; (d’ailleurs on devrait utiliser cette mise en page pour le ‘Sylvie & Bruno’ de CARROLL, la compréhension en serait facilitée).

OLMERS (secouant la tête) :

“Ah oui ; mais ça n’existe pas encore pour les langues modernes – (tu veux dire le tout réuni en un seul volume ; une demi-douzaine de langues courantes en colonnes parallèles ? Faut que tu prennes chaque traduction isolément ; (bien que ça fasse beaucoup de feuilletage)). – Rappelle-moi que je te passe le BERRUYER. – (?) : c’était un jésuite, (mort lors de la guerre de 7 ans) ; qui avait eu l’idée, pas si mal du tout, de publier la Bible sous la forme d’un livre de lecture à l’usage du monde éclairé. En utilisant les techniques du romancier, il développe ou entrecoupe le texte avec des descriptions (scabreuses !) ; il brode sur la trame et les paysages ; certaines fois c’est grivois & incongru, mais le plus souvent instructif & riche en trouvailles : on y voit les patriarches se conduire comme autant de Céladons ; leurs dames font songer à l’Astrée ; Madame Putiphar s’y exprime avec passion et une liberté toute aristocratique ; Judith mi-coquette mi-Calamity Jane, etc. ; les propositions & les digressions qui y figurent sont toujours remarquables ; du genre : Dieu a attendu une éternité avant de créer le monde ; le Mal grandit constamment et cela à la grande honte de Dieu & du Rédempteur ; on pense parfois à Lucien (ou à DIDEROT). De plus, tout est écrit avec une grande élégance : une langue enflammée, fleurie, (en quoi il appartient bien à la ‘littérature’ de son époque !) ; de l’esprit, de la fantaisie, du charme ; une bonne construction logique, ce qui, vu la simplicité chaotique de l’original, n’était pas une mince affaire. Son succés prouva combien une tentative sérieuse dans ce domaine avait jusque là fait défaut : le livre a souvent été réédité ; et traduit : espagnolitalien.” ; (Mais il faut lire

: ‘Histoire du Peuple de Dieu, depuis son origine jusqu’à la naissance du Messie, tirée des seuls livres saints, etc.’ 7 vol. in 4° (ou 10 en in-12°) / il est aussi paru une seconde partie, ‘de la naissance du Messie jusqu’à la fin de la Synagogue’ ; et une troisième, ‘Paraphrase littérale des Épîtres des Apôtres’.)

la première édition de 1728 ; car il a été mis à l’index, cela va de soi ; et contraint à se rétracter, etc. ; si bien que dans les éditions suivantes tous les passages scabreux-galants ont été censurés) : “Je ne m’en cache pas : je suis un ami de ce genre de littérature. – (?) : écoute, soeurette : quelle différence entre ça et une comédie musicale qui met en scène le Christ ? sous les traits d’un va-nu-pieds et d’un contestataire ? ; d’un tribun populaire fainéant et d’un pélerin du Levant ? Quant aux vociférations contre ce truc, nous les laisserons à son Éminence Très-Chrétinne ou à quelque autre idiot de bénitier.”

En 1975,

tout près d’écrire son texte sur la disparition des lucioles, le cinéaste s’engagera dans le motif – tragique et apocalyptique – d’une disparition de l’humain au cœur de la société présente : “Je tiens simplement à ce que tu regardes autour de toi et prennes conscience de la tragédie. Et qu’elle est-elle, la tragédie ? La tragédie, c’est qu’il n’existe plus d’êtres humains ; on ne voit plus que de singuliers engins qui se lancent les uns contre les autres.”

Tout autre était la proposition de Walter Benjamin,

que nous reprenons ici à notre compte : “organiser le pessimisme” dans le monde historique en découvrant un “espace d’images” au creux même de notre “conduite politique”, comme il dit. Cette proposition concerne la temporalité impure de notre vie historique, qui n’engage ni destruction achevée ni début de rédemption. Et c’est en ce sens qu’il faut comprendre la survivance des images, leur immanence fondamentale : ni leur néant, ni leur plénitude, ni leur source d’avant toute mémoire, ni leur horizon d’après toute catastrophe. Mais leur ressource même, leur ressource de désir et d’expérience au creux même de nos décisions les plus immédiates, de notre vie la plus quotidienne.

Il est difficile de réveiller ses rêves,

de façonner de l’hétérogène, d’acquérir l’art d’inventer autrement sa vie jusque-là mutilée. C’est pourquoi sans fin l’on se soulève. Sans fin, parce que bien souvent cela retombe, cela échoue, cela s’échoue sur les sables du conformisme ou contre la falaise des services d’ordre. Mais, sans fin, l’on recommence, sans fin : sans que jamais le but final – l’apaisement de tout, la réconciliation obtenue, le désir enfin satisfait – ne soit atteint. Mais, aussi, sans que jamais ne retombe le désir et, avec lui, le courage de désobéir, la pulsion d’inventer, la force de faire autrement, l’énergie pour se désasujettir. Les soulèvements, par cette intarissable multiplicité dont fait montre l’histoire des sociétés humaines, formeraient donc, prises ensemble, le grand art politique du non finito. Cela pour dire à la fois leur fragilité constitutive – ou constitutionnelle : fragilité de s’indéfinir au regard du pouvoir – et leur puissance proprement infinie. Puissance de volcans, de vagues, dé poussières en mouvement ou d’ouragans.

Mais pendant la seconde suivante,

l’horrible vérité me frappa.

(Il est malheureusement nécessaire d’insérer ici une longue explication technique. Á la suite d’expériences secrètes menées dans l’ancienne boulangerie Kronan, le téléviphone couleur avait atteint une telle perfection qu’elle permettait de téléviphoner non seulement des visages, des uniformes, des costumes civils, des promesses, des résolutions, des mensonges et des propositions malhonnêtes, mais également des états d’âme. En effet, en enfonçant tout simplement un bouton, on pouvait régler automatiquement la couleur du visage de façon à ce qu’il reflète un état d’esprit correspondant à chaque situation. En suivant l’ordre des boutons, le schéma des couleurs était le suivant :

Lie-de-vin : j’éprouve une vive sympathie pour tout ce qu’il y a de meilleurs dans les efforts des hommes ; c’était la couleur dite de l’Hôtel de Ville, composée pour le soixantième anniversaire du Maire suprême de Sundbyberg, C.A. Albertsson. Vert glauque : mais je serais encore plus heureux si j’étais appelé à faire mon service dans la marine. Vert pré : je désirerais reposer sous l’herbe de ma ville natale. Bleu acier : je suis plus que jamais résolu à défendre ma patrie ; c’était la couleur favorite des “malexandres”, c’est-à-dire des membres du parti d’Östergötland. Blanc-zinc : je suis profondément peiné de constater que tous les citoyens ne partagent pas ma juste opinion sur cette quesrtion. Jaune canari : j’exiqge d’être cru sur parole ; cette couleur était utilisée surtout par les fonctionnaires pour la diffusion de la vérité civique. Gris-brun : n’allez surtout pas vous imaginer que j’ai des opinions dissidentes, mais – Brun-gris : je suis la ligne des dirigeants sans la moindre défaillance. Gris-cendre : je parle évidemment sous le sceau du secret. Bleu-noir : je pleure comme chacun d’entre nous la disparition d’un grand homme. Rouge clair : je suis en contact intime avec la conscience universelle, car je viens de signer aujourd’hui même un appel en faveur de la paix ; c’était la couleur dite intellectuelle sur laquelle était également branché mon appareil. Orange : je suis absolument indigné car je viens d’être le témoin d’un complot contre la liberté ; cette couleur était de préférence utilisée par le personnel pénitencier supérieur, les employés du service de la liberté et diverses autorités exerçant la censure.

Bien entendu, on pouvait ensuite combiner ces diverses couleurs et, par exemple, avoir le front blanc-zinc, le nez lie-de-vin, les joues et le menton orange et les yeux bleu acier. Ou comme chez l’écrivain idéal : l’oreille droite gris-brun, l’oreille gauche brun-gris, le nez bleu acier, les joues rouge clair et le menton vert glauque, – Mais l’action a déjà été suffisamment retardée. Et s’il fallait rendre compte, ici, de toutes les sept cent quarante combinaisons possibles, elle le serait davantage encore.)

Mais qui pourrait s’étonner encore du sentiment d’angoisse qui s’empara de moi ?

Ma première conversation télléviphonique, tant attendue, allait être orange !

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