Michael Kohlhaas témoigne à mon sens également d’une formidable intuition de notre monde contemporain : comment un marchand respecté, mari aimant, père attentif, devient-il un véritable fanatique, pur corps porteur d’idée fixe ? Quelle puissance de mort se met soudain à l’oeuvre chez ce paisible commerçant d’il y a cinq siècles ? Il y a, dans ces questions, l’essentiel de nos inquiétudes politiques pour le monde d’aujourd’hui. Kohlhaas est-il un révolutionnaire ? Est-il une sorte de terroriste avant la lettre ?
Victime d’une injustice, Kohlhaas réclame son droit mais la société ne s’acquitte pas de son devoir envers lui. Il s’en déclare alors brutalement l’ennemi et choisit la violence, avec pour seul guide moral un sens de la justice affuté comme une lame. Il entraîne sa troupe dans des actions brutales, sans stratégie politique. Sa cause est individuelle, pas collective. Obtenir réparation devient pour lui plus important que la vie. La sienne ou celle des autres.