Cahier de citations


N’appelle-t-on pas “cinéma”,

désormais, de manière frauduleuse, des réalisations audiovisuelles qui ne sont en réalité que des téléfilms, produits par des chaînes de télévision françaises, pour elles, et selon leurs normes ? Si l’on continue à nommer cela “cinéma”, et à pratiquer l’hypocrite fiction du “passage en salles”, n’est-ce pass avant tout pour permettre à ces produits d’obtenir des subventions, et accroître ainsi les profits des chaînes qui les commandent ? Il y eut un art, en somme, qui sut, comme tous les arts, développer un langage spécifique, formidablement riche et varié, créer une esthétique, de la beauté, et élargir notre intelligence du monde : c’est tout cela qui semble liquidé, dès lors que le “cinéma” devient, deplus en plus, une marchandise comme les autres.

– Mourir !

répéta Cora d’un ton plus calme et plus ferme ; la mort ne serait rien ; mais l’alternative est horrible ! Il veut, continua-t-elle en baissant la tête de honte d’être obligée de divulguer la proposition dégradante qui lui avait été faite, il veut que je le suive dans les déserts, que j’aille avec lui joindre la peuplade des Hurons, que je passe toute ma vie avec lui, en un mot que je devienne sa femme. Parlez maintenant Alice, soeur de mon affection, et vous aussi major Heyward, aidez ma faible raison de vos conseils. Dois-je acheter la vie par un tel sacrifice ? Vous, Alice, vous, Duncan, consentez-vous à la recevoir de mes mains à un tel prix ? Parlez ! dites-moi tous deux ce que je dois faire ; je mets à votre disposition.

– Si je voudrais de la vie à ce prix ! s’écria le major avec indignation. Cora ! Cora ! ne vous jouez pas ainsi de notre détresse ! Ne parlez plus de cette détestable alternative ! La pensée seule en est plus horrible que mille morts !

Les mains et les bras liés derrière le dos,

à genoux, on se penche vers le plateau et on prend du riz avec la bouche. Des grains se collent sur le nez et le menton. Cependant après quelques échecs, on acquiert une meilleure technique qui consiste à faire monter le riz avec la langue le long de la paroi du bol et à saisir avec les lèvres. Ensuite, on attaque la partie qui est restée à l’opposé. Quant à la soupe, on saisit le bol avec les dents, on lève légèrement la tête en gardant un oeil sur le niveau du liquide et on le fait couler dans la bouche. Le fricot, on le soulève avec la langue et on le saisit avec les incisives. On finit le tout, non sans se salir le menton et le devant de la chemise. On s’essuie la bouche sur l’épaule. La porte s’ouvre à nouveau, le surveillant constate que les bols sont vides et que le prisonnier est maté. Mais s’il poursuit sa grève de la faim, on va le faire manger de force. Un médecin du service médical flanqué d’un infirmier pénètre dans la cellule escorté par quelques gardiens. Ils insèrent dans la bouche du prisonnier un tube reliè à un récipient en caoutchouc qu’ils malaxent pour faire avancer la bouillie qui est à l’intérieur. Ona l’impression d’étouffer comme lorsqu’on a dans la gorge un tube pour une endoscopie de l’estomac et le liquide remonte par le nez. Mais ce n’est rien à côté de l’humiliation et de la honte qu’éprouve jusqu’au larmes le prisonnier à se sentir ainsi violé. Dès que la porte se referme, il vomit et vomit encore, sans pour autant réussir à oublier le doux contact des grains de riz, le goût agréable qui persiste au bout de sa langue. Une barrière s’est affaissée à l’intérieur du corps.

Un bruit métallique et cristallin

et le pêne en dents de scie du bracelet se soulève. Précautionneusement, j’extrais ma main. A présent, c’est le tour de la corde. Les doigts continuent à agir calmement pour explorer l’enchevêtrement et les noeuds qui forment une sorte de galet dur et résistant. Au début, je les tâte et tente de les pincer du bout des doigts, mais ils glissent à chaque essai. Ce n’est que plus tard que je comprends qu’il faut faire bouger la corde plutôt que de m’acharner sur les noeuds. Je me tortille alors pour la faire remonter et j’ai déjà l’impression qu’elle me serre moins. D’une main je la pousse vers le haut et de l’autre, je tire sur les noeuds. Ils cèdent enfin, de plus en plus facilement car lorsque le premier s’est rendu, les autres sont plus aisés à défaire. Qu’elle est longue, cette corde ! Je continue à tirer sur le lien enchevêtré de façon labyrinthique autour des poignets. Il me faut une heure pour venir à bout du premier noeud, encore une pour défaire les autres et débarrasser mes poignets de la corde. Celle-ci serre beaucoup moins à présent et quelques mouvements des poignets suffisent à les libérer. Je suis épuisé. Les bras toujours prisonniers d’un bout de corde, je me renverse sur le dos. Je ferme et ouvre alternativement les mains, me gratte le nez qui me démangeait et me repose en restant allongé. La lueur de la lune que le trou d’aération laisse entrer dessine un losange sur le mur en ciment.

L’imagination créatrice

s’éveille très tôt chez l’enfant. Enfant, on “imagine” toujours. Mais c’est une habitude qu’on perd en général par la suite. Aussi l’art de devenir écrivain consiste-t-il, entre autres, à ne pas laisser la vie, les hommes ou l’argent vous faire rompre avec cette habitude. (…) L’ami avec lequel je partageais ma chambre périt dans une avalanche. A mon retour je savais d’une façon irrévocable ce que je ferais : je serais écrivain. Et je savais ce que je devais écrire : le livre de mes morts.

En me promenant longuement,

il me vient mille idées utilisables, tandis qu’enfermé chez moi je me gâterais et me dessécherais lamentablement. La promenade pour moi n’est pas seulement saine, mais profitable, et pas seulement agréable, mais aussi utile. Une promenade me sert professionnellement, mais en même temps elle me réjouit personnellement; elle me réconforte, me ravit, me requinque, elle est une jouissance, mais qui en même temps a le don de m’aiguillonner et de m’inciter à poursuivre mon travail, en m’offrant de nombreux objets plus ou moins significatifs qu’en suite, rentré chez moi, j’élaborerai avec zèle. Chaque promenade abonde de phénomènes qui méritent d’être vus et d’être ressentis. Formes diverses, poèmes vivants, choses attrayantes, beautés de la nature : tout cela fourmille, la plupart du temps, littéralement au cours de jolies promenades, si petites soit-elles.

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