bien que, au cas où, sait-on jamais, surveillant le sept elle aussi,

qui se transformait en trente et un et en neuf, le sans-abri contournant la serre toujours en route, jamais je ne l’ai vu immobile, décidé, pressé, qui parmi nous porte un nom dans ce livre, qui existe pour de bon, qui suis-je réellement, ou mon mari, ou vous qui lisez, le livre, sérieusement à présent, existe-t-il, avec les balles et les frappes dans les balles le son des mots inaudible, vous ne trouvez pas, ou les mots en désordre comme les figuiers sauvages et les dunes, les gouttes de la coquille de la Vénus tombant une à une au milieu des pages dispersant les syllabes, l’ombre rapide du vol des oiseaux obscurcissant les paragraphes tout comme ils obscurcissent vos visages et le mien, mon mari éteignait la lumière avant de se coucher ou en se couchant, peu importe, si bien que si vous voulez rester avec moi vous devez vous-même allumer une lampe, si vous n’en avez pas peut-être arriverez-vous à le distinguer à mes côtés grâce à un soupir des ressorts ou une vibration du corps, il y a toujours une vibration du corps quand quelqu’un avec nous, des pas même légers, une respiration quelque part, je ne sais quoi espérant de notre part je ne sais pas quoi et ensuite, à mesure qu’on s’habitue aux ténèbres, et on s’y habitue, au bout du compte c’est bien dans les ténèbres qu’on vit, un profil à côté de nous, allongé sur le dos et les yeux fermés ou, du moins, nous convaincus que les yeux fermés parce que celui qui s’est allongé à côté de nous ne se soucie pas de nous et alors on comprend que le profil aucune autorité, peur de nous, incapable de protester, incapable de se fâcher, un susurrement qui lui appartient peut-être

Maintenant tu te rends compte

que les deux ou trois ans
de cette histoire de famille
avec tous ce que tu as entendu,
t’ont appris
que tu n’as rien appris du tout.
Tu te diras
« Il faut que j’arrête maintenant. »
« Maintenant, je vais vivre ma vie,
à ma manière, selon ma propre vérité. »
Et après,
ta vie sera différente.
À un moment donné,
tu laisseras la famille comme elle est
et tu vivras ta vie
d’une toute autre manière.
C’est mon avis.
Quant à la vérité,
oublie.
Qu’est-ce qui est vrai ?

La compassion interdit souvent de penser, alors que penser n’interdit pas la compassion.

Sauf qu’on peut opter pour une compassion retenue, privée, intime, et ne pas tenir pour digne cet affichage de larmes, de cris, de pleurs, de sanglots, le tout en présence des caméras et des photographes. L’affichage de compassion n’est pas forcément preuve de compassion, mais il est toujours preuve d’affichage. Après La Rochefoucauld et les moralistes français, Nietzsche nous a appris à nous méfier de la compassion : elle est souvent l’une des modalités de l’amour de soi : Dieu qu’on se sent grand quand on se fait petit ! Dieu qu’on est orgueilleux quand on affiche sa modestie ! Dieu qu’on est égoïste quand on fait un spectacle de son amour des autres ! Laissons là le narcissisme de notre époque qui fait de l’exhibition de son pathos une valeur supérieure à l’exercice de la pensée.

Chacun a un trésor intime de représentations

– normalement on peut les réduire à quelques grands thèmes – qui composent le vivier de toutes ses stupeurs. Il se retrouve face à elles aux moments les plus inattendus de l’année, suggérées par une rencontre, un moment de distraction, une allusion; et chaque fois il plonge en elles son regard comme on scrute son visage dans un miroir. Elles sont une réalité énigmatique et pourtant familière, d’autant plus irrésistible que toujours sur le point de se dévoiler sans que jamais on ne la découvre. Il arrive qu’on y pense volontairement, comme à des souvenirs qu’elles sont affectivement, et que l’on s’efforce d’en remonter le courant, comme si leur origine en cachait le secret. Mais elles n’ont pas d’origine, c’est là le problème. À leur source il n’y a pas une « première fois » mais toujours une « seconde ». Telle est leur ambiguïté : en tant que souvenirs, elles commencent à exister seulement à partir d’une deuxième fois et, comme un Nil mythique, elles dissimulent leur tête.

7. La variété des bruits est infinie.

Il est certain que nous possédons aujourd’hui plus d’un millier de machines différentes, dont nous pourrions distinguer les mille bruits différents. Avec l’incessante multiplication des nouvelles machines, NOUS POURRONS DISTINGUER UN JOUR DIX, VINGT OU TRENTE MILLE BRUITS DIFFÉRENTS. CE SERONT LÀ DES BRUITS QU’IL NOUS FAUDRA, NON PAS SIMPLEMENT IMITER, MAIS COMBINER AU GRÉ DE NOTRE FANTAISIE ARTISTIQUE.

8. Nous engagerons tous les jeunes musiciens vraiment doués et audacieux à observer tous les bruits pour comprendre les rythmes différents qui les composent, leur ton principal et leurs tons secondaires. En comparant les timbres variés des bruits aux timbres des sons, ils constateront combien les premiers sont plus variés que les seconds. On développera ainsi la compréhension, le goût et la passion des bruits. Notre sensibilité multipliée, après s’être fait des yeux futuristes, aura aussi des oreilles futuristes. Les moteurs de nos villes industrielles pourront dans quelques années être tous savamment entonnés de manière à former de chaque usine un enivrant orchestre de bruits.