La foule était si nombreuse qu’on avait l’impression, où qu’on fût, d’être au beau milieu.

Le flot dense s’écoulait, au coucher du soleil, les entraînant le long de stands et d’étals de nourriture, et les amies se trouvèrent séparées en trente secondes. Ce qu’elle commença à ressentir, outre l’impuissance, était une sensation exacerbée de ce qu’elle était par rapport aux autres, ces milliers de gens, disciplinés mais étouffants. Les plus proches la voyaient, lui souriaient, certains lui parlaient, un ou deux, et elle était forcée de se voir dans la surface réfléchissante de la foule. Elle devenait ce qu’ils lui renvoyaient. Elle devenait un visage et des traits, une couleur de peau, une personne blanche, blanche étant son trait fondamental, le statut de son être. Ainsi donc, voilà qui elle était, pas vraiment mais en même temps oui, très exactement, pourquoi pas ? Privilégiée, détachée, autocentrée, blanche. C’était là, sur son visage, instruite, ignorante, pleine d’effroi. Elle ressentait toute l’amère vérité que recèlent les stéréotypes. La foule était heureuse d’être une foule. C’était leur vérité. Ils étaient chez eux, songeait-elle, dans la marée des corps, la masse compressée. Être une foule, c’était une religion en soi, sans lien avec l’occasion qu’ils étaient là pour célébrer. Elle songea à des foules prises de panique qui submergeaient les rives d’un fleuve.

Selon les caractéristiques et les dimensions de son pénis (linga),

l’homme est lièvre, taureau ou cheval. De même, la femme est antilope, jument ou éléphante, suivant la profondeur de son vagin (yoni).
Il existe trois accouplements conformes à la nature et six « inégaux », c’est-à-dire deux unions « inégales » pour chacun des trois modèles.
Pour un plaisir équilibré il est préférable que les partenaires aient des mensurations sexuelles correspondantes; dans ce cas, leur jouissance sera évidemment modérée.
Lorsque les dimensions du membre de l’homme sont supérieures à celles du vagin de sa partenaire et que le mâle s’accouple avec la femme qui vient immédiatement après son homologue ou avec celle qui la suit, on parle d’union supérieure et violente ou d’accouplement très supérieur et très violent, suivis d’une jouissance de type aigu.
A l’inverse, quand les mensurations sexuelles de la femme surpassent celle s de son partenaire masculin et suivant une hiérarchie identique à la précédente, on parle d’union inférieure d’où résulte pour l’un et l’autre un plaisir insignifiant.
En résumé, il y a neuf catégories d’accouplements selon les dimensions des sexes. Les conjugaisons des semblables sont les meilleures; celles des opposés les plus éloignés sont les pires; toutes les autres se tiennent dans la bonne moyenne, quoique, parmi ces dernières, il faille préférer les violentes aux dérisoires.

Applaudir au développement des énergies alternatives sans les mettre au service de l’autogestion,

c’est donner des gages à une exploitation en habits neufs, aussi retorse que l’ancienne.
(…)
Il y a dans la tyrannie du travail, rompant à son esprit et à ses cadences jusqu’aux moindres jouissances, une trahison de l’enfance et des promesses que la maturité lui laissait entrevoir.
Comment ignorer que cette plaie, rouverte à chaque instant, est la cause principale de notre détresse existentielle, la mal être qui affecte l’univers entier ? Qu’en la vie dépecée par le travail réside le malaise de notre civilisation ?
(…)
Le consumérisme a imposé un ordre de mesure à la représentation de soi, à l’art des apparences, à la mise en scène du quotidien, aux fastes dérisoires du mal de survie. Il a gradué le prix des êtres selon le prix des choses qu’ils ont le pouvoir d’acheter.
Ainsi, au rythme de la crétinisation publicitaire, le culte de la mode s’est érigé en critère d’excellence et d’exclusion. L’emprise du marché exerce sur l’enfance un pouvoir de subordination qui substitue au désir d’être soi cette envie de paraître, essentiellement compétitive, d’où procèdent l’agressivité, la frustration, la violence, l’instinct prédateur.
(…)
Dénoncer une injustice ou une barbarie sans entreprendre d’éradiquer le mal à la racine expose à un risque dont tout pouvoir constitué sait habilement tirer profit : il cherche des coupables au lieu d’agir sur les conditions qui les produisent.
La vieille tradition du bouc émissaire imprègne de ses suintements nauséabonds la plupart de nos comportements. La plus lâche des commodités consiste à se délecter impunément de son malaise, de ses humeurs sur un proche, un voisin, un compagnon, soudain accusés de déviation, de carence, de trahison, plutôt que de s’en prendre à la cause des contrariétés.
L’honnête dénonciateur d’une indignité se mue avec aisance, sinon avec complaisance, en un indigne délateur. Le négatif tient sa proie et la proie se fait prédatrice. Illuminé de vérités dogmatiques, le sentiment humain s’obscurcit et rejoint l’ombre où croupissent indistinctement les objets d’un opprobre vrai ou faux.

C’est étonnant de voir avec quelle avidité les gens passent en revue la « lecture »,

comme on dit, empilée dans l’antichambre des médecins et des dentistes. Est-ce pour s’empêcher de penser à l’épreuve qui les attend ? Ou est-ce pour rattraper le temps perdu, pour « se mettre au courant », comme ils disent, de l’actualité ? Mes quelques observations personnelles me disent que ces gens-là ont déjà absorbé plus que leur part d' »actualité », c’est-à-dire de guerre, d’accidents, de guerre encore, de désastres, d’autre guerre, de meurtres, de guerre encore, de suicides, d’autre guerre, de vols de banque, de guerre, et encore de guerre chaude ou froide. Ce sont sans aucun doute les mêmes gens qui font marcher la radio la plus grande partie du jour et de la nuit, qui vont au cinéma aussi souvent que possible – et y ingurgitent encore des nouvelles, encore de l' »actualité » – et qui achètent des postes de télévision à leurs enfants. Tout cela pour être informés ! Mais que savent-ils en fait qui vaille la peine d’être su de ces évènements si importants qui bouleversent le monde ?