…..
20 juillet 2006 | cahier de citations
ç’a été comme si elle ne m’avait pas vu. Je n’ai commis d’autre erreur que celle de garder le silence moi aussi.
Lorsque la femme est arrivée aux rochers, je regardais le couchant. Elle est demeurée immobile, cherchant un endroit pour étendre sa couverture. Puis elle a marché vers moi. Je n’aurais eu qu’à étendre le bras pour la toucher. Cette possibilité m’a fait frémir de terreur (comme si j’avais été en danger de toucher un fantôme). Il y avait quelque chose d’effrayant dans sa manière d’ignorer ma présence. Cependant, en s’asseyant à mes côtés, elle me provoquait et, d’une certaine manière, mettait fin à cet éloignement.
de me toucher un peu ??!! » s’écria-t-elle coupante – « Ça commence bien !! » dit-elle secouée d’un bref sanglot.
Donc : toucher : nous nous entremêlâmes, lugubres, nous étions des débutants, avec des grimaces ; le vent s’en mêla ; des doigts étranglaient et foraient, ma main en savait plus que moi – jusqu’à ce qu’elle émît un gloussement et me pria avec franchise : « Moi non plus je ne sais pas encore vraiment m’y prendre. : mais demain soir nous le ferons comme il faut : avec de la lumière ! Ah ! » / « Nous avorterons à chaque fois, dis » jura-t-elle avec détermination « même s’il faut que je mâche des forêts entières de sabines ! ». / « tu pourras du reste m’apprendre le métier d’arpenteur – je participerai à tout, dis ! » Et sa grande bouche s’ondula de bonheur – par conséquent je pris à nouveau possession d’elle en bloc, du convexe au concave ; moi, envahi par des serpents de doigts jaunes.
soit incapable de s’emparer de ce dont elle a la sensation n’est peut-être qu’un exemple d’une vérité plus générale : l’incapacité de l’homme à posséder quoi que ce soit. Je ne crois pas (ou du moins ne crois plus) à la formule célèbre de Pascal qui fait de l’homme un « prince dépossédé ». Prince, je ne sais. Mais certainement pas dépossédé : car il est inapte à la possession et n’a par conséquent jamais rien véritablement eu dont il puisse être privé. Ce qui, faut-il le préciser, n’arrange en rien ses affaires.
déçoive, c’est-à-dire se dérobe à l’objectif et trahisse l’objet qu’elle vise, me semble en rapport étroit avec la déception constitutionnellement attachée à la perversion voyeuriste. On connaît la tendance de celle-ci à épier tout en se cachant, à prétendre recevoir des images considérées comme « vraies » en raison du fait que la personne épiée se croit seule et non observée. Images vraies et images privées, que nul ne verra jamais que celui qui les recueille et opère ainsi une sorte de vol. La moindre conscience d’être observé par le voyeur ruinerait le guet voyeuriste qui entend dérober une image et non se la faire offrir, pour cette raison générale que toute perversion recherche non un rapport mais une absence de rapport avec autrui. C’est pourquoi il importe tant au voyeur, comme d’ailleurs au voleur, de n’être pas vu lui-même pendant qu’il opère. La honte pèse ici moins que la crainte d’un rétablissement du contact entre soi et l’autre, que le voyeur fait tout pour rompre.