Il ôta son bonnet et la toucha respectueusement de ses lèvres, Effingham lui serra la main avec une sorte de convulsion, sans pouvoir prononcer une parole. Le vieux chasseur serra alors sa ceinture et les courroies qui attachaient son paquet sur ses épaules, se prépara à partir, mais avec une sorte de lenteur qui prouvait combien cette séparation lui coûtait. Il essaya une ou deux fois de leur parler encore, mais il n’y put réussir. Enfin s’armant de résolution, il appuya son fusil sur son épaule, et s’écria d’une voix trop forte pour qu’on pût remarquer l’émotion qui l’agitait :
– Ici ! ici, Hector ! allons, en marche, mes enfants ! Vous avez du chemin à faire avant d’arriver à la fin de votre voyage.
Les deux chiens se levèrent en entendant sa voix, flairant autour des tombeaux et du couple silencieux, comme devinant leur départ, puis suivirent humblement les traces de leur maître. Pendant un moment de silence le jeune homme se cacha le visage sur la tombe de son aïeul ; mais quand l’orgueil de l’homme l’eut emporté sur la faiblesse de la nature, il voulut renouveler ses instances, mais il ne trouva plus dans le cimetière que sa femme et lui.
– Il est parti ! s’écria Effingham.
Elisabeth leva la tête et vit le vieux chasseur arrêté sur la lisière du bois, pour regarder encore un moment. En rencontrant les yeux d’Olivier et de son épouse, il passa sa rude main sur les siens, puis l’agita en l’air en signe d’adieu, et adressant un appel à ses chiens qui étaient à ses pieds, il entra dans la forêt.
Ce fut la dernière fois qu’ils virent Bas-de-Cuir. En vain M. Temple le fit chercher partout ; jamais on n’en eut aucune nouvelle. Il s’avançait vers le soleil couchant, le premier de cette troupe de pionniers qui ouvrirent aux Américains un chemin vers l’autre mer au travers du continent.