Leda s’était un jour rendu au commissariat pour changer son patronyme pour celui de sa mère. A la sortie, c’était un nouvel homme. Il avait peut-être raté son destin de dragon, mais c’était déjà un phénix qui renaissait de ses cendres. Après avoir divorcé de Han Saite, il avait rompu avec le mari. A son tour, avec du retard, il avait soldé son souvenir et liquidé son histoire. Il avait mis du temps à comprendre qu’il était la dernière preuve de vie d’un personnage en faillite, obsolète et encombrant. Pour les autres, Guo Leda n’existait plus, et n’avait jamais existé. Seuls Han Saite et les polos des travailleurs migrants disaient le contraire. Mais la première avait déjà perdu sa crédibilité, et les seconds ne tarderaient pas à tomber en lambeaux.
Le Camarade Ye avait aussi songé à changer son prénom. Mais Zhen Zhen l’en avait dissuadé. Elle était incapable de l’appeler autrement. Après tout, du temps de sa gloire, tant de gens s’étaient débaptisés pour prendre le même ; d’autres l’avaient donné à leur nouveau-né s’ils n’avaient pas de chien. Partout dans le pays couraient par milliers des Zhang Leda, Wang Leda, Li Leda… et pourquoi pas Ye Leda ? C’était en fin de compte la meilleure façon de devenir anonyme.