et le film à peine commencé elle s’est blottie contre mon bras, j’allais dire que son parfum dans l’obscurité m’a ému, il ne m’a pas ému, il m’a ému, j’aurais pu l’embrasse mais je manque d’audace, c’est elle qui m’a attrapé par le menton après avoir retiré son chewing-gum de la bouche pour le coller au dos du fauteuil de devant, j’ai senti sur sa gencive du haut une prothèse avec deux ou trois dents qu’elle a essayé de camoufler avec la langue mais ça ne me gênait pas, j’ai seulement pensé
– Je peux encore m’arrêter là je peux encore m’arrêter là mais j’ignore pourquoi je ne me suis pas arrêté et en moi un
– Et maintenant ? sans que j’aie la réponse, j’ai pensé
– Je peux toujours trouver une excuse quelconque quand ce sera fini une tante ou un frère qui m’attend et comme je ne sais pas où elle habite et qu’elle ne sait pas où j’habite il suffira que je ne revienne plus au kiosque je ne me sentais ni excité ni content, je me sentais gêné, le blondin au mauvais crin laisse ma mie et va ton chemin timide quelle horreur, j’ai passé mon bras sur ses épaules et son tronc est venu tout entier, décidé, lent, une de ses mains me caressait la poitrine, l’autre la veste et la chemise, elle m’a pincé gentiment le téton, a aplati sa paume sur mes côtes, d’abord doucement puis plus vigoureusement, l’herboriste à moi
– Il va te faire du bien cet argent on m’avait confié un boulot, pas le patron, un autre client, c’était une femme qui tardait à payer mais pouvait payer le lendemain, je l’ai attendue à l’heure du déjeuner à la sortie de l’entreprise où elle travaillait, dès qu’elle est montée dans sa voiture je me suis assis à côté d’elle
– On a une question à régler et en trois coups les gros j’ai réglé ladite question, une créature d’une quarantaine d’années à peu près et une gifle même pas très forte, juste ce qu’il faut pour éviter les récidives seulement la vendeuse du kiosque commençait à m’échauffer, pas beaucoup, un peu mais elle commençait à m’échauffer, ils devraient faire des pantalons plus larges en haut parce que sa paume me trouvait et mois je grandissais, grandissais, j’ai commencé à compter de cent à un et à penser à la mort, ça marche bien en général, au cercueil, au cadavre, aux fleurs, à ma grand-mère en pleurs, ce genre de choses, je me suis redressé sur mon fauteuil et lui ai pincé doucement la joue pour calmer ses ardeurs, en chuchotant
– Et si quelqu’un nous voit ? en lui désignant le spectateur d’à côté avec le menton, j’ai proposé
– Et si on sortait tout de suite ? commençant à me lever exactement au moment, par chance, où le film se terminait et où les lumières faiblardes au début puis d plus en plus vives se répandaient dans la salle, je suis passé devant une première paire de genoux, devant une deuxième et j’ai atteint le strapontin en le tirant par le poignet tandis que ses pas gagnaient en assurance, un spectateur a dit une chose indigne que je n’ai pas comprise, des affiches dehors, des gens qui commençaient à sortir de la salle d’à côté, la vendeuse du kiosque, obéissante, dans une sorte de marche somnambule, un couple qui nous tournait le dos (la femme plus grande que l’homme) prenant un café au comptoir, on est passé devant la billetterie pour gagner la sortie, presque nuit dehors, l’homme, poussé par le frère du patron, me tombant dessus et glissant lentement, désarticulé, le long de mon torse, le nez en sang et les yeux presque fermés, demandant
– Ne faites pas de mal à ma fille