et des choses qu’il a photographiées. Mais elles ouvrent surtout, pour nous qui les regardons, un espace étrange, dans lequel nous glissons comme dans un rêve, entre le vide de l’absence et l’illusion de l’évocation. et où projetant souvenirs et désirs, nous reconstruisons momentanément notre existence. La peinture, par exemple, a toujours quelque chose de métaphysique, elle produit des fragments qui ne font pas un monde, mais composent une sur-réalité, une apparence devenant pensée, que nous devons à notre tour décrypter et investir de nos propres pensées. Les photographies, elles, envoient des signaux de temps à l’état pur. Un monde y est entrevu, non pas reconstruit par la pensée, mais un monde qui aurait pu être nôtre, et qui arrive jusqu’à nous par pulsations brèves, depuis un lieu et un temps inconnus, inassignables.
Et malgré tout, les photographies ne cessent de servir à la consolation. Elles sont appelées à témoigner que cela a bien été, et n’a pas été en vain. Que le monde existe, et nous avec, qu’il y a bien eu quelque chose, du vécu, du vivant. Mystérieuse et fascinante tautologie : voir, en plus ou moins grand différé, ce qui a été, et tenter ainsi de se convaincre que ce fut bien ainsi (ou l’inverse : nier obstinément, en dépit de cette apparence, que cela fut).