est couvert d’agrandissements de photographies des deux soeurs, prises avant et pendant la guerre. Les voici encore écolières, coiffées de jolis petits chapeaux à fleurs. Le cliché date de deux semaines avant la guerre. Des visages enfantins ordinaires rieurs, que la solennité du moment ne suffit pas à rendre sérieux. Ici elles portent déjà la tcherkeska et la bourka des cavaliers. Elles ont été photographiées en 1942. Une année seulement sépare les deux photos, mais ce sont déjà des visages différents, des personnes différentes. Et cet autre portrait que Zinaïda Vassilievna a envoyé à sa mère quand elle était au front : la vareuse arbore la première médaille de la Bravoure. Celle-là montre les deux soeurs prises le Jour de la Victoire. Qu’est-ce qui s’inscrit dans ma mémoire ? Je dirais comme un mouvement du visage : allant de la douceur de traits enfantins à un regard de femme adulte, et même à une certaine dureté, une certaine sévérité. Il est difficile de croire que ce changement s’est produit en l’espace de quelques mois, une ou deux années tout au plus. Le temps accomplit d’ordinaire ce travail de manière bien plus lente et imperceptible. Le visage d’un homme met longtemps à se modeler.
Mais la guerre allait vite à créer son image d’être humain. Elle peignait ses propres portraits.