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Que la sensation
soit incapable de s’emparer de ce dont elle a la sensation n’est peut-être qu’un exemple d’une vérité plus générale : l’incapacité de l’homme à posséder quoi que ce soit. Je ne crois pas (ou du moins ne crois plus) à la formule célèbre de Pascal qui fait de l’homme un “prince dépossédé”. Prince, je ne sais. Mais certainement pas dépossédé : car il est inapte à la possession et n’a par conséquent jamais rien véritablement eu dont il puisse être privé. Ce qui, faut-il le préciser, n’arrange en rien ses affaires.
Le fait que la photographie
déçoive, c’est-à-dire se dérobe à l’objectif et trahisse l’objet qu’elle vise, me semble en rapport étroit avec la déception constitutionnellement attachée à la perversion voyeuriste. On connaît la tendance de celle-ci à épier tout en se cachant, à prétendre recevoir des images considérées comme “vraies” en raison du fait que la personne épiée se croit seule et non observée. Images vraies et images privées, que nul ne verra jamais que celui qui les recueille et opère ainsi une sorte de vol. La moindre conscience d’être observé par le voyeur ruinerait le guet voyeuriste qui entend dérober une image et non se la faire offrir, pour cette raison générale que toute perversion recherche non un rapport mais une absence de rapport avec autrui. C’est pourquoi il importe tant au voyeur, comme d’ailleurs au voleur, de n’être pas vu lui-même pendant qu’il opère. La honte pèse ici moins que la crainte d’un rétablissement du contact entre soi et l’autre, que le voyeur fait tout pour rompre.