Pour qu’il y ait de l’art,
pour qu’il y ait un acte et un regard esthétique, une condition physiologique est indispensable : l’ivresse. Il faut d’abord que l’excitabilité de toute la machine ait été rendue plus intense par l’ivresse. Toutes sortes d’ivresse, quelle qu’en soit l’origine, ont ce pouvoir, mais surtout l’ivresse de l’excitation sexuelle, cette forme la plus ancienne et la plus primitive de l’ivresse. Ensuite l’ivresse qu’entraînent toutes les grandes convoitises, toutes les émotions fortes. L’ivresse de la fête, de la joute, de la prouesse, de la vistoire, de toute extrême agiattion : l’ivresse de la cruauté, l’ivresse de la destruction – l’ivresse née de certaines conditions météorologiques (par exemple le trouble printanier), ou sous l’influence de stupéfiants, enfin l’ivresse de la volonté, l’ivresse d’une volonté longtemps retenue et prête à éclater. – L’essentiel, dans l’ivresse, c’est le sentiment d’intensification de la force, de la plénitude. c’est ce sentiment qui pousse à mettre de soi-même dans les choses, à les forcer à contenir ce qu’on y met, à leur faire violence.
Il est nécessaire
de temps en temps de nous délasser de nous-mêmes ou de pleurer sur nous : de déceler le héros et non moins le bouffon qui se cachent dans notre passion de connaître, de jouir de temps en temps de notre folie pour continuer à jouir de notre sagesse !
La musique
me donne à présent des sensations comme jamais je n’en ai ressenti. Elle me libère de moi-même, elle me détache de moi-même comme si je me regardais, je me sentais de très loin ; elle me fortifie en même temps, et toujours après une soirée musicale ma matinée abonde en jugements fermes et en idées. C’est très curieux. C’est comme si je m’étais baigné dans un élément plus naturel. La vie sans musique n’est qu’une erreur, une besogne éreintante, un exil.