On pourrait nommer philosophie
autocratique des techniques celle qui prend l’ensemble technique comme un lieu où on utilise les machines pour obtenir de la puissance. La machine est seulement un moyen ; la fin est la conquête de la nature, la domestication des forces naturelles au moyen d’un premier asservissement : la machine est un esclave qui sert à faire d’autres esclaves. Une pareille inspiration dominatrice et esclavagiste peut se rencontrer avec une requête de liberté pour l’homme. Mais il est difficile de se libérer en transférant l’esclavage sur d’autres êtres, hommes, animaux ou machines ; régner sur un peuple de machines asservissant le monde entier, c’est encore régner, et tout règne suppose l’acceptation des schèmes d’asservissement.
La société s’est reproduite
dans un ensemble de choses et de relations qui étaient de plus en plus techniques, y compris le fait qu’on a utilisé l’homme techniquement – en d’autres mots, la lutte pour l’existence, l’exploitation de l’homme et de la nature sont devenues de plus en plus scientifiques et rationnelles. La double signification de “rationalisation” doit être placée dans ce contexte. L’organisation scientifique, la division scientifique du travail augmentent énormément productivité de l’entreprise économique, politique et culturelle et le résultat c’est : un standard de vie amélioré. En même temps et sur les mêmes principes, cette entreprise rationnelle a produit un état d’esprit, une forme de conduite qui justifient, qui expliquent même les aspects les plus destructifs et les plus oppressifs de cette entreprise. La rationalité technique et scientifique et l’exploitation de l’homme sont liés l’un à l’autre dans des formes nouvelles de contrôle social.
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Tableau 55
(Terrasse, growing clair. / Un vent bourru qui amène des nuages crasseux, (qui de peur changent constamment de forme). Une peignée de pluie ; (et la petite fontaine grise de la gouttière baragouine à l’avenant). Partout les courses de vitesse des feuilles mortes. Champs maltraités, assaillis par des bandes de corneilles. Arbres qui se combattent à coups de branches. / Eugen marche d’un pas lourd à côté d’A&O ; au milieu de buissons qui rampent un cortège funéraire ; (la tache rouille ferrugineuse, ce serait le soleil ?)
Eugen (vaillant) : “… de toute manière fallait pas s’attendre à plus… un ‘gratis’ du bout des lèvres peut-être ?” (Tes, ma chambre a été pillée de fond en comble !)
(Oser un regard dans le tonneau : ? – : par la bonde sourd une étonnante lueur matinale, (‘Ma bien-aimée ma bien-aimée est perdue’). Ils s’arrêtent, transis, paisibles, vertueux ; (mais les feuilles tombent à une allure ! : en minutes leurs pieds sont recouverts).
Eugen (terre à terre) : “Oh, il fait pas encore si froid que ça.” ; (bien que le vent siffle à tordre les nuages).
(même les ruchés rouillés du chêne encore petit ont commencé à fabuler d’une voix enrouée : au sujet d’un visage qui s’éloigne, déjà pris dans les files des autoroutes, (‘This he over went, so also will I’.))
A&O (sans entrain-réticent):
M-m. Les jeunes gens d’aujourd’hui – et les idéologies aussi, style marxisme – sont hostiles à la tradition. Et nous, nous nous sentons étrangers à l’art moderne & à l’époque en général. Ma vie durant je me suis efforcé de mettre à jour ma ‘lignée’ ; et de me considérer – du moins certaines fois – comme un ‘chaînon’ de cette tradition : je me réjouis d’avoir des prédécesseurs. Pour la tournure d’esprit, comme LUCIEN ou WIELAND ; (quoiqu’il m’ait été donné de pouvoir rendre hommage à JEAN PAUL ou COOPER). Pour le traitement de surface comme FISCHART, SMOLLETT, JOYCE. Ou justement pour la construction, ‘l’échafaudage’ : je veux dire que, au fond, la ‘princesse Brambilla’ de HOFFMAN est un livre à deux colonnes comme ‘Kaff’ ; (d’ailleurs on devrait utiliser cette mise en page pour le ‘Sylvie & Bruno’ de CARROLL, la compréhension en serait facilitée).
OLMERS (secouant la tête) :
“Ah oui ; mais ça n’existe pas encore pour les langues modernes – (tu veux dire le tout réuni en un seul volume ; une demi-douzaine de langues courantes en colonnes parallèles ? Faut que tu prennes chaque traduction isolément ; (bien que ça fasse beaucoup de feuilletage)). – Rappelle-moi que je te passe le BERRUYER. – (?) : c’était un jésuite, (mort lors de la guerre de 7 ans) ; qui avait eu l’idée, pas si mal du tout, de publier la Bible sous la forme d’un livre de lecture à l’usage du monde éclairé. En utilisant les techniques du romancier, il développe ou entrecoupe le texte avec des descriptions (scabreuses !) ; il brode sur la trame et les paysages ; certaines fois c’est grivois & incongru, mais le plus souvent instructif & riche en trouvailles : on y voit les patriarches se conduire comme autant de Céladons ; leurs dames font songer à l’Astrée ; Madame Putiphar s’y exprime avec passion et une liberté toute aristocratique ; Judith mi-coquette mi-Calamity Jane, etc. ; les propositions & les digressions qui y figurent sont toujours remarquables ; du genre : Dieu a attendu une éternité avant de créer le monde ; le Mal grandit constamment et cela à la grande honte de Dieu & du Rédempteur ; on pense parfois à Lucien (ou à DIDEROT). De plus, tout est écrit avec une grande élégance : une langue enflammée, fleurie, (en quoi il appartient bien à la ‘littérature’ de son époque !) ; de l’esprit, de la fantaisie, du charme ; une bonne construction logique, ce qui, vu la simplicité chaotique de l’original, n’était pas une mince affaire. Son succés prouva combien une tentative sérieuse dans ce domaine avait jusque là fait défaut : le livre a souvent été réédité ; et traduit : espagnolitalien.” ; (Mais il faut lire
: ‘Histoire du Peuple de Dieu, depuis son origine jusqu’à la naissance du Messie, tirée des seuls livres saints, etc.’ 7 vol. in 4° (ou 10 en in-12°) / il est aussi paru une seconde partie, ‘de la naissance du Messie jusqu’à la fin de la Synagogue’ ; et une troisième, ‘Paraphrase littérale des Épîtres des Apôtres’.)
la première édition de 1728 ; car il a été mis à l’index, cela va de soi ; et contraint à se rétracter, etc. ; si bien que dans les éditions suivantes tous les passages scabreux-galants ont été censurés) : “Je ne m’en cache pas : je suis un ami de ce genre de littérature. – (?) : écoute, soeurette : quelle différence entre ça et une comédie musicale qui met en scène le Christ ? sous les traits d’un va-nu-pieds et d’un contestataire ? ; d’un tribun populaire fainéant et d’un pélerin du Levant ? Quant aux vociférations contre ce truc, nous les laisserons à son Éminence Très-Chrétinne ou à quelque autre idiot de bénitier.”
En 1975,
tout près d’écrire son texte sur la disparition des lucioles, le cinéaste s’engagera dans le motif – tragique et apocalyptique – d’une disparition de l’humain au cœur de la société présente : “Je tiens simplement à ce que tu regardes autour de toi et prennes conscience de la tragédie. Et qu’elle est-elle, la tragédie ? La tragédie, c’est qu’il n’existe plus d’êtres humains ; on ne voit plus que de singuliers engins qui se lancent les uns contre les autres.”