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Ce n’est pas le progrès technique en soi
qui transforme les rapports que les humains entretiennent entre eux et avec le monde, ce sont plutôt les modifications parfois ténues de ces rapports qui rendent possible un type d’action jugé auparavant irréalisable sur ou avec une certaine catégorie d’existants. Car toute technique est avant tout une relation madiate ou immédiate entre un agent intentionnel et de la matière inorganique ou vivante, y compris lui-même. Pour qu’une technique nouvelle apparaisse ou soit empruntée avec quelque chance de succès, il faut donc assurément qu’elle présente une utilité réelle ou imaginaire et qu’elle soit compatible avec les autres caractéristiques du système où elle prend place. Il faut surtout que la relation originale qu’elle implique soit objectivable, c’est-à-dire qu’elle corresponde à un schème d’interactions préexistant, mais confiné jusque-là dans une position subalterne ou spécialisée parce que s’exerçant de façon exclusive vis-à-vis d’une classe bien définie d’objets. En ce sens un choix technique suppose tout à la fois une reconfiguration d’éléments déjà présents et l’application d’un type spécifique de relation à des entités qui n’étaient pas auparavant concernées par lui.
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On nous a dès l’enfance inculqué,
gravé dans l’esprit, l’amour des hommes en armes. Nous avons grandi comme si nous étions toujours en guerre, même ceux qui sont nés des dizaines d’années après. Aujourd’hui encore après les crimes de la Tcheka, les exactions staliniennes et les camps, après les récents évènements de Vilnius, de Bakou, de Tbilissi, après Kaboul et Kandahar, nous voyons toujours dans un homme armé le soldat de 1945, le soldat de la Victoire. Tant de livres ont été écrits sur la guerre, tant d’armes ont été fabriquées par la main et l’intelligence de l’homme que l’idée de meurtre est devenue normale. Alors que les esprits les meilleurs s’interrogent sur le droit qu’auraient les humains de tuer les animaux, nous autres, sans trop hésiter ou forgeant à la hâte un idéal politique, nous sommes capables de justifier la guerre. Allumez votre poste de télévision le soir et vous verrez avec quelle secrète exaltation nous portons en terre nos héros. En Géorgie, en Abkhazie, au Tadjikistan… Et sur leurs tombes nous élevons des stèles et non des chapelles funéraires…
Je hais la guerre et l’idée même qu’un homme ait droit de vie et de mort sur un autre homme.