Ce qui caractérise les sociétés dites avancées,

c’est que ces sociétés consomment aujourd’hui des images, et non plus, comme celles d’autrefois, des croyances ; elles sont donc plus libérales, moins fanatiques, mais aussi plus “fausses” (moins “authentiques”) – chose que nous traduisons, dans la conscience courante, par l’aveu d’une impression d’ennui nauséeux, comme si l’image, s’universalisant, produisait un monde sans différences (indifférent), d’où ne peut alors surgir ici et là que le cri des anarchismes, marginalises et individualismes : abolissons les images, sauvons le Désir immédiat (sans médiation).

Cessons d’ignorer ce qui se passe sous nos yeux :

une révolution est en train de s’opérer, elle prône le retour à la valeur d’usage, le développement des énergies renouvelables, la fécondité naturelle des terres et des océans, la fin du travail servile et le règne de l’inventivité. Ce n’est ni plus ni moins qu’une révolution économique, elle tentera de nous gruger en se servant comme d’un appât de la marchandise rénovée. À nous de la dépasser en instaurant la gratuité de la vie.

Il est temps de nous désengager des combats douteux

qui profitent à nos ennemis. Nous n’avons ni à entrer dans les guerres de gangs planétaires ni à nous laisser conquérir par les marchés de l’angoisse, de l’insécurité, de la peur, où nous paierons de plus en plus pour nous sentir de plus en plus mal.

Il est temps de faire fond sur une réalité toute autre : la nôtre, celle de nos désirs, de notre volonté de vivre, de notre aspiration à une terre de beauté et de fécondité.

Il est temps d’en finir avec les nationalismes

et autres identités moutonnières. Il n’y a pas d’Américains, de Français, d’Afghans, de Bretons, de Guatémaltèques, d’Arabes, de Juifs, de Papous. Il y a des individus fort différents les uns des autres, et qui s’aviseront bien un jour que la lutte pour la souveraineté de la vie annule tous les autres combats.

Quiconque s’identifie à un territoire, à une religion, à une croyance, à une idéologie, à une ethnie, à une langue, à une mode, à une couleur ne fait que se dépouiller de sa singularité, de sa vraie et inépuisable richesse, de ce qu’il possède en lui de plus vivant et de plus humain.

et les fenêtres et les portes étant fermées,

sincèrement, je ne vois pas par où le chat qui vit ici est entré à moins qu’une tuile de cassée ou quelque chose dans le genre, enfant j’ai passé des étés entiers en quête de mystères dans le potager, geckos, coccinelles, bouts de mica, à présent je viens pour les trois jours de la tue-cochon espérant seulement que la femme, morte à plat ventre en Afrique, se venge de mon père, les pins dans l’obscurité et la même chauve-souris depuis l’enfance criant mon prénom, ma mère allumait la lumière et pas une ombre avec nous

-Quelle chauve-souris ?

juste des pierres plus légères que l’eau qui flottaient, en suspension, le médecin de ma mère à ses collègues, en leur montrant radio après radio

-Et celle-ci ?

ma belle-sœur à mon frère, à voix basse

-Je ne supporte plus tout ça

moi à ma belle-sœur

-Vous avez raison qui pourrait supporter ?

imaginant non pas le porc, mon père en train de manger penché sur son assiette et nous bousculant, ma mère dans tous ses états

-Qu’est-ce qu’il t’arrive ?

et mon père incliné au-dessus de la table sans faire attention à nous, mastiquant sans répit

-Je n’arrive pas à m’arrêter

mon père qui depuis la guerre n’arrivait pas à s’arrêter, le psychologue dans le cercle de chaises de l’hôpital

-Vous ne pouvez vraiment pas vous tenir un peu tranquille ?

non désolé l’ami je ne peux vraiment pas me tenir tranquille, trop de gens sans mains, trop d’oreilles dans des bocaux, trop d’hélicoptères, trop de blessés, trop de quimbos en flammes, trop de morts, le chef des opérations rôdant autour des prisonnières, le sous-lieutenant chialant sous le mercedes nous tendant sa propre merde

-Aidez-moi

en même temps qu’il essayait de nous éloigner, mon père l’a expédié vers le sentier à coups de pieds et lui

-Pour l’amour du Ciel ne me tuez pas pour l’amour du Ciel ne me tuez pas

ce chapitre, c’est moi qui devrais l’écrire, ma sœur me l’a volé, Son Excellence me serrant le bras

-Attrape la valise et fichons le camp d’ici

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