un défunt qui ne trouve pas la venelle où il habite ou mon père là-haut qui ne respire même pas, quelqu’un que je ne connais pas et qui m’appelle
– Toi
m’appelle encore
– Toi
et moi apeuré, je sens que mon père est en train de descendre l’escalier parce que j’ai cessé d’être, je n’existe pas, mon frère existe lui et à deux doigts de dire mon prénom, disant mon prénom
– Toi
je ne partirai pas demain, ce sont eux qui m’emmèneront, des hommes venus de je ne sais où me désignant à mon père
– C’est celui-ci ?
le grenouilles du marais s’inquiètent tellement que je n’entends plus les gens, j’entends les bestioles qui m’assourdissent et m’empêchent de mourir, quelqu’un que je ne distingue pas à qui j’inspire de la compassion
– Ce n’est pas la peine de l’attacher
ma mère tentant un sourire et ses yeux qui coulent le long de son visage, chaque larme un oeil qui coule sur ses joues
(pourquoi des larmes ?)
les bonnes de la cuisine
– Le pauvre
et pour qu’elle raison
– Le pauvre
si moi pas malade, intrigué j’ai interrogé ma mère
– Où avez-vous trouvé tous ces yeux ?
ne vous tourmentez pas pour moi mère, il me suffit d’avoir la certitude que vous n’êtes pas partie et un jour peut-être me remarquerez-vous en train de vous attendre sans vous parler étant donné que je n’ai pas besoin de parler, le parfum des malles suffit et vous savoir dans cette maison pour que j’attende que vous m’accordiez un peu d’attention un jour, sûr que vous m’accorderez un peu d’attention même si c’est par pitié
– Je suis là
pendant qu’il pleut dehors, moi qui n’aime pas la pluie
– Si bon qu’il pleuve dehors
et c’est sans importance vu qu’ils n’arrivent pas à me faire mal
(mon frère aux hommes
– Qu’est-ce que vous attendez ?)
tandis que le commis s’éloigne et la montagne nous cache complètement, mon grand-père à mon père
– ç’a été moins difficile que ce que je pensais la maison énorme mes aïeux, comme elle est grande cette maison, mon frère
– Ne t’en fais pas un de ces jours tu nous reviendras
et les gouttes de pluie brillant sur le blé, sur mon père, sur le commis, moi à ma mère
– Vous n’allez pas partir au moins ?
et Dieu merci personne n’est parti, ils attendent que je revienne, le puits là derrière, le grenier, le verger, les hommes avec moi dans l’auto à la recherche de la frontière dont j’ignore où elle se trouve, je me souviens de mon frère à mon père
– Il ne pouvait pas rester avec nous plus longtemps
d’un chevreau glissant d’un éperon rocheux et ma mère poussant des bêlements, s’approchant de moi tout en s’éloignant et moi la perdant à jamais, d’une aiguille cherchant un espace entre mes côtes autrement dit d’un des hommes avec une seringue me serrant le bras
– Un instant
autrement dit de ma grand-mère m’attrapant comme si j’étais un lapin et je n’ai pas remarqué le coup sur la nuque ni le baquet à ses pieds, j’ai remarqué la paume qui me caressait le râble en évaluant ma chair, je l’ai interrogée
– Vous ne trouvez pas que je suis un peu maigre grand-mère ?
et elle sans répondre qui m’attrape par les oreilles, me soulève et quand mon grand-père
– Vite
m’ouvre d’un seul coup depuis le collet jusqu’au ventre.