dans le sens où la majorité des groupes industriels seront d’abord soucieux de parasiter le processus de contrôle que permettent les mass-médias, reprenant à leur compte les théories de William Burroughs sur la guerre de l’information, sorte de version moderne des guerres territoriales d’autrefois, permise par les avancées technologiques de l’époque, qui mèneraient (comme Burroughs l’avait également bien pressenti) à l’invention du cyberespace quelques années plus tard, qui rappelons-le a d’abord été créé à des fins militaires. D’où une tendance particulièrement marquée à puiser sans vergogne dans les discours (et les images) diffusés dans les médias populaires (radio, cinéma et télévision), à les sortir de leur contexte pour les réintégrer sous forme de samples, souvent mis en boucles, dans les oeuvres musicales, afin d’en révéler le caractère propagandiste, qu’il s’agisse de discours politiques, de prose journalistique, de publicités ou de documentaires de tous ordres. L’industriel sera une musique où l’on chante peu, nombre de formations étant d’expression essentiellement instrumentale, mais où l’on parle beaucoup, où ça parle beaucoup, saturée de messages de toutes provenances, choisis tant pour leur contenu que leur couleur à l’oreille. Leur accumulation, leur imbrication les uns dans les autres n’ont bien souvent pas d’autre fonction que de révéler leur équivalence fondamentale, destinée à maintenir le système de régulation sociale en place. Cette réappropriation de discours existants n’est bien sûr pas sans rappeler les méthodes de détournement exploitées par les situationnistes, à cette différence près qu’elles sont appliquées à des oeuvres musicales, et que la matière de base exploitée est le plus souvent d’une nature en soi sulfureuse (alors que chez les situationnistes elle était généralement inoffensive et/ou insignifiante).

Mais parallèlement à ces procédés récurrents, il faut également remarquer cette propension propre à certains groupes à développer leur propre organe d’informations, par voie d’imprimés périodiques ou plus ponctuels, proposant des articles traitant de sujets soigneusement passés sous silence dans les médias officiels, avec une prédilection pour tout ce qui à l’époque était considéré comme plus ou moins tabou, du nazisme aux théories conspirationnistes en passant par les pratiques sexuelles extrêmes, les méthodes modernes de torture, les expériences médicales sur les animaux ou sur les hommes, les armes à feu, les tueurs en série, les gourous de secte, le terrorisme, etc., l’ensemble révélant un goût prononcé pour le morbide, le glauque, la violence et la folie, personnelle et collective. Si de telles publications n’échapperont pas toujours à une certaine complaisance, elles témoignent cependant aujourd’hui encore d’une réelle et profonde révolte face à la réalité des rapports sociaux, perçus uniment comme des modes de conditionnement et de répression des individus, destinés à s’assurer son contrôle et son obéissance, et viseront d’abord à informer le public d’un état d’oppression d’autant plus intolérable qu’il est généralisé.