Maintenant je pouvais apprécier avec mon propre corps son expression physique, son ossature solide, l’extrémité délicate de ses doigts et la souplesse de ses muscles qu’il déployait pour les clavecins. Ses bras essayaient petit à petit de combler le vide entre nous. Je ne m’y suis pas opposée.
– Il suffit de vous asseoir ici et de poser vos doigts sur le clavier, et les sons vont sortir tout de suite. Ces doigts qui sont là…
Je serrais sa main gauche. Mon véritable souhait était de rester ainsi éternellement. Et pendant ce temps-là, en paroles, je répétais que je voulais qu’il touche le clavecin et pas moi. Mais ce n’était pas contradictoire. Ma peau, mon sang, ma langue et mes tympans, tout en moi le désirait. Et je ne pouvais pas tricher.
Nous avons joint nos lèvres. La couverture est tombée une deuxième fois. Il y a eu un bruit de chaises ébranlées. Ce fut un baiser calme. Un baiser qui a réchauffé discrètement les ténèbres derrière nos paupières.
Il a fait tout ce que je voulais. Il a réveillé un à un les plaisirs gelés. Nous avons enlevé nos vêtements et nous nous sommes allongés sur la couverture sans nous éloigner un instant l’un de l’autre. Ses doigts remuaient si doucement qu’ils donnaient l’impression d’avoir peur. Comme s’il jouait sur mon corps au lieu de toucher un clavier. Sous les yeux du clavecin.