sa mère est sortie faire des courses, la fille écrit en secret son journal intime, elle a 26 ans, pas d’emploi. A la dernière entrée, celle du 10 juillet : Depuis hier après-midi je vais mieux de nouveau; mais les bons jours se font toujours si rares désormais. Je ne peux m’ouvrir à personne comme je le souhaiterais. C’est pourquoi j’ai décidé désormais de tout consigner ici. Quand j’ai mes crises, je ne suis plus bonne à rien, les petites choses les plus insignifiantes me causent les plus grandes difficultés. Tout ce que je vois alors suscite en moi de nouvelles pensées, et je n’arrive pas à m’en défaire, puis je suis aussi très nerveuse et il faut alors que je me fasse violence pour accomplir la moindre chose. Je suis en proie à une grande agitation intérieure, et en même temps je ne mène rien à terme. Par exemple : tôt le matin, quand je me réveille, je préférerais ne pas me lever du tout; mais je m’y contrains néanmoins et je me donne du courage. S’habiller se fait alors au prix d’un grand effort et dure très longtemps, parce qu’une fois encore tant et tant de représentations me tournent dans la tête. Je suis toujours tourmentée d’avoir provoqué ainsi des dégâts. Souvent, quand je mets un morceau de charbon dans le poêle et qu’une étincelle jaillit, je m’en effarouche et il faut d’abord que je vérifie partout sur moi si rien n’est embrasé et si, par hasard, je n’ai pas abîmé quelque chose et provoqué un feu par inadvertance. Et cela continue ainsi toute la journée; tout ce que je dois faire me paraît très dur, et quand malgré tout je me contrains à le faire, cela dure toujours, en dépit de tout le mal que je me donne pour le faire vite, très longtemps. Et la journée passe ainsi sans que j’aie rien fait, parce qu’à chaque geste je suis accaparée très longtemps par mes pensées. Et quand en dépit de tous mes efforts je ne m’en sors pas dans l’existence, alors je désespère et je pleure beaucoup. Mes crises ont toujours été de cette nature, et elles sont apparues pour la première fois dans ma 12e année. Mes parents ont toujours tenu tout cela pour de la simulation. A l’âge de 24 ans j’ai tenté de mettre fin à mes jours, en raison de ces crises, mais l’on m’a sauvée. A l’époque je n’avais pas encore eu de relations sexuelles et je mettais en elles tout mon espoir, en vain hélas. Je n’ai eu qu’assez peu de relations et ces derniers temps je ne veux même plus en entendre parler, parce que je me sens aussi très faible physiquement.

14 août. Depuis une semaine je vais de nouveau très mal. Je ne sais pas ce que je vais devenir si cela continue ainsi. Je crois bien que, si je n’avais personne au monde, j’ouvrirais le gaz sans hésiter, mais je ne peux tout de même pas faire cela à ma mère. Je souhaite néanmoins beaucoup contracter une maladie grave, dont je pourrais mourir. J’ai couché sur le papier les choses telles qu’elles sont réellement en moi.