Cahier de citations


12h04 : elle se tenait debout sur la marche de fer :

simonettas eye - borgighera - hnewton

une porte dans une main, une barre noire dans l’autre ; son menton vacillait comme une flamme ; elle cria : “Donne-moi encore quelque chose. De toi !” Je paniquai : je n’avais rien ; ma main empoigna mon épaule gauche et sentit du tissu ; j’arrachai un morceau et le lui lançai, ris une seconde, et l’adorai à nouveau des yeux. L’infernal roulement gargouillard se déclencha sous nos pieds ; l’image en haut coulissa lentement vers la droite : elle me jeta le bout noir sur la poitrine et s’écria désespérée : “Tu es —” ferma la. Bouche. Hagarde. Coudrier affolé. Se regarder un peu encore (Iconodules).

Il y a pour les hommes d’aujourd’hui un chemin intérieur

que je connais bien pour l’avoir parcouru dans les deux sens et qui va des collines de l’esprit aux capitales du crime. Et sans doute on peut toujours se reposer, s’endormir sur la colline, ou prendre pension dans le crime. Mais si l’on renonce à une part de ce qui est, il faut renoncer soi-même à être; il faut renoncer à vivre ou à aimer autrement que par procuration. Il y a ainsi une volonté de vivre sans rien refuser de la vie qui est la vertu que j’honore le plus en ce monde. De loin en loin, au moins, il est vrai que je voudrais l’avoir exercée. Puisque peu d’époques demandent autant que la nôtre qu’on se fasse égal au meilleur comme au pire, j’aimerais, justement, ne rien éluder et garder exacte une double mémoire. Oui, il y a la beauté et il y a des humiliés. Quelles que soient les difficultés de l’entreprise, je voudrais n’être jamais infidèle, ni à l’une ni aux autres.

mon père devant la porte et personne dans le grenier à part l’humidité et les chauves-souris,

à l’heure qu’il est ma femme en train de m’attendre terminant de préparer le dîner, peut-être une robe neuve, une coiffure apprêtée, des perles de culture ornant ses oreilles et moi m’attardant volontairement devant l’entrée de l’immeuble, retirant la clé de ma poche, remisant la clé dans ma poche, du reste plusieurs clés avec un singe en feutre attaché à l’anneau, descendant vers le quai, prenant le bateau pour Trafaria et l’eau émeraude et olive c’est-à-dire essentiellement émeraude et olive et ça et là devenant lilas contre la coque, un aveugle demandant l’aumône que les gens bousculaient l’empêchant ainsi d’ajuster l’accordéon contre son torse, il a dû finir par y arriver parce que en montant sur le bateau j’ai remarqué le début d’une valse, quel pourcentage d’émeraude et d’olive au fond de moi, quelles couleurs l’emportent-elles, l’écume jaune du sillage
(combien de jaune ?)
se transformant en oiseaux, pas des mouettes, sombres, petits, aux pattes rosées, dont j’ignore le nom, un paquebot anglais avec de la musique également, probablement des centaines d’accordéons avec des centaines d’aveugles jouant à l’unisson sauf que cette fois pas une valse, autre chose, des gouttes d’huile qui tombaient d’un tuyau près de mon siège et se répandaient sur les planches
(j’arrive à la fin cousine Hortelinda et je suis vivant)
un employé vérifiait les billets avec trois bagues au doigt sans compter l’alliance, le moteur a ramené mon grand-père attrapant au hasard une bonne de la cuisine
– Viens par ici
et bien qu’éclopé
(ce que vous êtes devenu grand-père)
filant avec elle dans le garde-manger
(les milans exactement pareils avec les chèvres)
abandonnant le garde-manger l’instant d’après en s’essuyant le front avec sa manche, avant un quart d’heure et à présent quelques minutes, le contremaître
– Vous êtes toujours un homme patron
et mon grand-père se juchant sur le mulet en rajustant son gilet
– soixante-dix-huit l’ami deux mois de plus que toi
Caparica au loin, Bico da Areia, Trafaria qui grossit, le contremaître
– Soixante-dix-neuf en mars
moins de gouttes d’huile vu que le moteur en train de ralentir et le quai éclairé, ma femme je suppose qu’en train de retirer ses perles et de s’installer à table, le mouchoir à la main, devant le repas froid
(je ne sais pas si je t’aime Maria Adélaïde, je ne dois pas t’aimer, c’est mon frère qui t’aimait, regarde les mouettes à droite à gauche et une assiette qui se brise par terre, pour quelle raison n’êtes-vous pas restés au domaine tous les deux à fouler le blé sec, heureux ?)
Trafaria des arbustes des dunes le silence, ce qui restait du ponton plus deviné que vu à travers les reflets de l’eau, la cousine Hortelinda qui m’appelle
– Toi
prévenant
– Attention tu ne peux pas te noyer puisque tu n’es pas marqué dans le registre
pendant que je dépassais ce qui m’a semblé être un seau, un rouleau de cordage que j’ai déplacé sans m’en rendre compte et comme je ne suis pas marqué dans le registre
(la cousine Hortelinda
– Combien de fois faudra-t-il que je te dise que tu n’es pas marqué dans le registre ?)
je me suis tapi dans un coin les joues dans les paumes et j’ai pensé
– Le jour ne va pas tarder à se lever
alors que le jour ne se lèvera jamais.

– Tu n’entends pas ?

un défunt qui ne trouve pas la venelle où il habite ou mon père là-haut qui ne respire même pas, quelqu’un que je ne connais pas et qui m’appelle
– Toi
m’appelle encore
– Toi
et moi apeuré, je sens que mon père est en train de descendre l’escalier parce que j’ai cessé d’être, je n’existe pas, mon frère existe lui et à deux doigts de dire mon prénom, disant mon prénom
– Toi
je ne partirai pas demain, ce sont eux qui m’emmèneront, des hommes venus de je ne sais où me désignant à mon père
– C’est celui-ci ?
le grenouilles du marais s’inquiètent tellement que je n’entends plus les gens, j’entends les bestioles qui m’assourdissent et m’empêchent de mourir, quelqu’un que je ne distingue pas à qui j’inspire de la compassion
– Ce n’est pas la peine de l’attacher
ma mère tentant un sourire et ses yeux qui coulent le long de son visage, chaque larme un oeil qui coule sur ses joues
(pourquoi des larmes ?)
les bonnes de la cuisine
– Le pauvre
et pour qu’elle raison
– Le pauvre
si moi pas malade, intrigué j’ai interrogé ma mère
– Où avez-vous trouvé tous ces yeux ?
ne vous tourmentez pas pour moi mère, il me suffit d’avoir la certitude que vous n’êtes pas partie et un jour peut-être me remarquerez-vous en train de vous attendre sans vous parler étant donné que je n’ai pas besoin de parler, le parfum des malles suffit et vous savoir dans cette maison pour que j’attende que vous m’accordiez un peu d’attention un jour, sûr que vous m’accorderez un peu d’attention même si c’est par pitié
– Je suis là
pendant qu’il pleut dehors, moi qui n’aime pas la pluie
– Si bon qu’il pleuve dehors
et c’est sans importance vu qu’ils n’arrivent pas à me faire mal
(mon frère aux hommes
– Qu’est-ce que vous attendez ?)
tandis que le commis s’éloigne et la montagne nous cache complètement, mon grand-père à mon père
– ç’a été moins difficile que ce que je pensais la maison énorme mes aïeux, comme elle est grande cette maison, mon frère
– Ne t’en fais pas un de ces jours tu nous reviendras
et les gouttes de pluie brillant sur le blé, sur mon père, sur le commis, moi à ma mère
– Vous n’allez pas partir au moins ?
et Dieu merci personne n’est parti, ils attendent que je revienne, le puits là derrière, le grenier, le verger, les hommes avec moi dans l’auto à la recherche de la frontière dont j’ignore où elle se trouve, je me souviens de mon frère à mon père
– Il ne pouvait pas rester avec nous plus longtemps
d’un chevreau glissant d’un éperon rocheux et ma mère poussant des bêlements, s’approchant de moi tout en s’éloignant et moi la perdant à jamais, d’une aiguille cherchant un espace entre mes côtes autrement dit d’un des hommes avec une seringue me serrant le bras
– Un instant
autrement dit de ma grand-mère m’attrapant comme si j’étais un lapin et je n’ai pas remarqué le coup sur la nuque ni le baquet à ses pieds, j’ai remarqué la paume qui me caressait le râble en évaluant ma chair, je l’ai interrogée
– Vous ne trouvez pas que je suis un peu maigre grand-mère ?
et elle sans répondre qui m’attrape par les oreilles, me soulève et quand mon grand-père
– Vite
m’ouvre d’un seul coup depuis le collet jusqu’au ventre.

D’où peut bien venir cette impression que dans la maison,

alors que rien n’a changé, tout ou presque a disparu ? Les pièces sont les mêmes avec les mêmes meubles et les mêmes tableaux et pourtant ce n’était pas comme ça, ce n’était pas ça, de vieilles photos à la place de ma mère, de mon père, des bonnes de la cuisine et de la toux de mon grand-père qui commandait tout le monde, pas sa présence, pas ses ordres, la toux, un mouchoir sortait de sa poche et lui embroussaillait la moustache, mon père attachait le cheval à l’anneau et après rien d’autre que le bruissement des herbes qui lui perdure en revanche, mais sec et dur même après la pluie, depuis la terrasse les champs que je connais et ne connais pas, l’allée des cyprès qui conduisait au portail et au-delà du portail dont l’un des piliers s’est écroulé les chênes-lièges et le blé, le bourg toujours plus distant dont les lumières accentuent l’obscurité, un lieu habité par les morts dont je parcourais les rues au trot blotti contre mon père, effrayé par les petites fenêtres vides et avec la certitude qu’on nous épiait depuis les aulnes de la place à l’époque où rien n’avait encore disparu dans la maison, ma mère à l’étage qui parfumait des coffres, la tasse de ma grand-mère sur la soucoupe et elle qui me fixait de son regard de portrait traversant les âges retour d’un pique-nique pour dames à bandeaux et messieurs à faux col en celluloïd et moi de penser et si tout le monde était encore là plongé dans ces conversations que l’horloge à pendule noyait dans le coeur au ralenti, un après-midi j’ai trouvé la tasse et la soucoupe au bord de la table et la chaise vide, un autre après-midi les coffres à l’étage ont cessé de sentir seulement cette fois des voitures dans la cour, des messieurs qui m’ébouriffaient les cheveux avec une compassion attendrie
– L’orphelin

Joseh et Clara étaient alors complètement embrasés par cette flamme,

noble et belle, peut-être, qu’aucune lance d’incendie, de leur avis commun, ni aucune calomnie ne réussirait à éteindre et qui était en train de s’étendre, tel un ciel rougeoyant, sur toute la surface de la terre. Ils aimaient tous deux, comme la mode l’exigeait alors, “l’humanité”. Ils restaient volontiers des heures, et parfois tard dans la nuit, dans la chambre occupée par Clara dans la petite maison de son père, à discuter de sciences, de problèmes sentimentaux, et c’est Joseph, d’ordinaire si timide avec autrui, qui se montrait le plus bavard, ce qui d’ailleurs était dans l’ordre des choses puisqu’il considérait un peu son amie comme une respectable institutrice devant laquelle on récite, on énumère, comme autant de leçons plus ou moins bien apprises par coeur, ses pensées. Comme elles étaient belles, ces soirées ! Chaque fois qu’il se décidait à rentrer chez lui, la femme, qui alors était encore une jeune fille, lui éclairait les marches avec une lampe et lui disait adieu, au revoir, de sa voix douce. Comme ses yeux brillaient lorsqu’il se retournait pour la regarder une dernière fois !

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