Cahier de citations


Ce que j’aimerais qu’il soit six heures

et moi libéré de celui qui écrit le livre dans notre dos toujours à farfouiller, n’importe quelle créature sérieuse qui se donnera la peine de jeter un oeil sur ce qu’il a fait jusqu’à aujourd’hui comprendra immédiatement les inventions, les mensonges, ma soeur Ana ceci, mon frère João cela, ma soeur Beatriz s’occupant de ma mère et faux, une voiture sur le parking et on sait déjà quoi à l’intérieur, le pied contre le volant persuadé que les chevaux jettent leur ombre sur lui alors que pas du tout, je les rassemble dans un bourbier, je les tue et que les bestioles de la campagne les mangent comme elles ont mangé mon père et ma soeur Rita parce qu’elles vous ont mangés ne vous faites pas d’illusion, elles vous ont mangés, le dix-sept sortant pour les autres, pas pour vous papa, comme vous seriez content de retrouver votre veston, votre parfum, comme nous serions riches pas vrai, sans hypothèques ni dettes, le parquet réparé, l’appentis en état, ma mère deux rangs de perles au cou

– Tu n’aimes pas ?

mon père pas seulement une cravate, des dizaines et les taureaux mieux nourris, plus grands, engraissés par ma soeur Rita et par vous qui engraissez l’herbe vu que Dieu n’existe pas et ce qui reste de vos ongles plantés dans ce qui reste de vos paumes, adieu papa, adieu Rita, vous ne me manquez pas et même ce dont je me souviens à votre sujet et je ne me souviens presque de rien à votre sujet

(je ne me souviens absolument de rien à votre sujet)

n’existe plus, moi d’après celui qui écrit malhonnête, égoïste quand ma seule intention était de restaurer la dignité de la famille que manque de veine le sort m’a réservée, ce que je ne donnerais pas pour être né de gens dont je sois fier

(leur ombre sur la mer complètement idiot)

une mère n’importe laquelle qui ne chuchote pas au téléphone

– Pourquoi ?

un frère qui n’arpente pas le parc, une soeur sans terrain vague

– Tu es mon maître

sans parler de l’autre qu’on cache dans la quinta et que je tuerai lui aussi après avoir tué les chevaux, il rentrera bien dans le puits sous le figuier et disparaîtra dans les profondeurs, si j’allais jusqu’au parking avec ma voiture je suis sûr que plus personne sur le siège, je resterais là à regarder les saules pleureurs et les vagues

(ils ont dû démolir la pension Royal ou alors l’eau l’a dérobée, elle l’avait déjà presque complètement dérobée à l’époque où quelques vieux tenaient tant que bien mal debout, des petits escaliers, des bannes, le Nègre en céramique avec son essuie-mains repassé)

en pensant au temps où j’étais heureux

(ma soeur Rita assurant qu’au lieu des vagues des clous et moi incapable de contrarier quiconque mais oui bien sûr, des clous)

Quarante années, oui, cela fait quarante années de ça !

Quarante années incessantes de pêche à la baleine ! Quarante années de privations, de dangers et d’orages ! Quarante années passées sur l’implacable océan ! Et pendant ces quarante années de sa vie, Achab a déserté la terre et sa paix, pour mener la guerre sur l’horreur des abîmes ! Hélas oui, Starbuck, tout au long de ces quarante années, je n’en ai passé que trois à terre… Quand je pense à la vie que j’ai menée, au désert de solitude qu’elle fut… cette existence fermée, retranchée, murée comme une citadelle qu’est celle d’un capitaine, qui ne reçoit et n’admet nulle sympathie de la vie verdoyante qui l’environne… oh ! lassitude ! oh ! tristesse accablante !… Noir esclavage du commandement solitaire !… Quand je pense à tout cela, que j’ai à peine entrevu mais jamais aussi nettement, pertinemment ressenti et connu auparavant – et comment durant quarante années je n’ai vécu que de nourriture séchée et salée… parfait symbole du dessèchement de mon âme… quand le plus pauvre à terre a des fruits frais à portée de la main chaque jour, et rompt le pain frais du monde au lieu de mes croûtes moisies… au loin, à des océans entiers de distance me séparant de cette femme-enfant que j’ai épousée après la cinquantaine, en partance dès le lendemain pour aller doubler le cap Horn, ne laissant qu’un creux de bête couchée dans l’oreiller de mes noces… une épouse ? une épouse ? plutôt une veuve, oui, dont le mari est vivant ! C’est une veuve, pas une femme, que j’ai fait de la pauvre petite quand je l’ai épousée, Starbuck… Et puis cette folie furieuse, cette rage frénétique, ce sang tumultueux et ce front bouillonnant pour déborder mille fois du vaisseau à la poursuite encolérée, écumante de la proie… plus un démon qu’un homme, le vieil Achab !… oui, ah ! oui, quand je pense à ce qu’ont été ces quarante années de folie, ah ! quel fou, quel vieux fou a été le vieil Achab ! Pourquoi ce perpétuel combat de la chasse ? s’exténuer, se casser les bras à l’aviron, au harpon, à la lance ? en quoi est-il ou plus riche ou meilleur, le vieil Achab à présent ? Voyons. Oh ! Starbuck, n’est-il pa dur qu’avec cet accablant fardeau que je porte et qui presque m’écrase, il ait fallu qu’une malheureuse jambe fût enlevée de dessous moi ? Attends, que j’écarte cette vieille chevelure ; elle m’aveugle comme si je pleurais. Là ! des cheveux aussi gris,, ce ne peut être que de cendres qu’ils ont poussé ! Mais est-ce que je parais si vieux, vraiment si, si vieux, Starbuck ? Si tu savais ; je me sens débile, et ployé, et cassé, comme si j’étais Adam, titubant sous le poids des siècles entassés depuis le paradis. Dieu ! oh ! Dieu, Dieu !… qu’il éclate, ce coeur ! qu’il soit écrasé, ce cerveau !… Oh ! dérision, dérision amère et cuisante, dérision désolante de ces cheveux gris : ai-je vécu assez de joies pour vous porter ? et pour paraître et me sentir aussi insupportablement vieux ? Tout près, reste tout près de moi, Starbuck, que je puisse regarder dans un oeil humain… cela vaut mieux que de regarder dans la mer ou le ciel ; cela vaut mieux que de regarder vers Dieu. Par le vent de la terre, par l’astre resplendissant de la voûte, c’est un miroir magique, ô homme ! Je vois ma femme et je vois mon enfant dans ton oeil !… A bord, tu vas rester à bord : non, non ! tu ne mettras pas à la mer avec moi, tu ne déborderas pas quand Achab et son dard de feu prendront en chasse Moby Dick. Ce risque-là, non, non ! ne sera pas le tien ! Non… pas avec le foyer là-bas, au loin, que je vois dans cet oeil !

#69 She’s Lost Control

Confusion in her eyes that says it all
She’s lost control
And she’s clinging to the nearest passer by
She’s lost control
And she gave away the secrets of her past
And said I’ve lost control again
And of a voice that told her when and where to act
She said I’ve lost control again.
And she turned around and took me by the hand and said
I’ve lost control again
And how I’ll never know just why or understand
She said I’ve lost control again
And she screamed out kicking on her side and said
I’ve lost control
And seized upon the floor, I thought she’d die
She said I’ve lost control
She’s lost control again
She’s lost control
She’s lost control again
She’s lost control
Well I had to ‘phone her friend to state my case
And say she’s lost control again
And she showed up all the errors and mistakes
And said I’ve lost control again
But she expressed herself in many different ways
Until she lost control again
And walked upon the edge of no escape
And laughed I’ve lost control
She’s lost control again
She’s lost control
She’s lost control again
She’s lost control.

La masse bruissante d’une langue inconnue constitue une protection délicieuse,

enveloppe l’étranger (pour peu que le pays ne lui soit pas hostile) d’une pellicule sonore qui arrête à ses oreilles toutes les aliénations de la langue maternelle : l’origine, régionale et sociale, de qui la parle, son degré de culture, d’intelligence, de goût, l’image à travers laquelle il se constitue comme personne et qu’il vous demande de reconnaître. Aussi, à l’étranger, quel repos ! J’y suis protégé contre la bêtise, la vulgarité, la vanité, la mondanité, la nationalité, la normalité. La langue inconnue, dont je saisis pourtant la respiration, l’aération émotive, en un mot la pure signifiance, forme autour de moi, au fur et à mesure que je me déplace, un léger vertige, m’entraîne dans son vide artificiel, qui ne s’accomplit que pour moi : je vis dans l’interstice, débarrassé de tout sens plein.

Un jour, il alla sur l’agora et commença à chanter et les gens s’assemblaient autour de lui.

Ensuite, il commença à parler de philosophie et les gens se dispersèrent. Il dit : “Comme vous êtes étranges : vous vous rassemblez pour des jeux qui ne vous servent à rien, mais vous fuyez la philosophie qui vous servirait.”

Il discourait un jour très sérieusement, mais personne ne lui prêtait attention ; il se mit alors à siffler : aussitôt, les gens s’attroupèrent autour de lui, et Diogène de leur reprocher le sérieux qu’ils mettent à accourir pour des niaiseries tandis qu’ils tardent avec indifférence pour les choses sérieuses. “Les hommes, disait-il, entrent bien en compétition quand il s’agit de creuser des tranchées ou de jouer des pieds, mais personne n’en fait autant pour devenir honnête homme.”

Les disparitions dont le rythme s’était calmé depuis celle des roses se produisirent deux fois de suite.

Il y eut celle des photographies puis des graines.
Au moment où ayant rassemblé tous les albums et les photos de la maison, y compris celle de ma mère dans un cadre posé sur le manteau de la cheminée, je m’apprêtais à aller les brûler dans le petit incinérateur du jardin, R tenta de toutes ses forces de me convaincre d’y renoncer.
– Les phots, ce sont des objets précieux qui conservent les souvenirs. En les brûlant, vous faites une chose irréparable. Il ne faut pas. Absolument pas.
– Mais c’est impossible de m’y soustraire. Puisque le moment de leur disparition est arrivé, lui répondis-je.
Quand vous n’aurez plus de photographies, comment vous souviendrez-vous du visage de vos parents ? me demanda-t-il d’un air profondément sérieux.
– Ce sont les photos qui disparaissent. Pas mes parents. Alors ce n’est pas grave. Je n’oublierai jamais leur visage.
– Ce ne sont peut-être que des petits morceaux de papier, mais ils contiennent quelque chose en profondeur. La lumière, le vent ou l’atmosphère, la tendresse ou la joie de celui qui a pris la photo, la pudeur ou le sourire de ceux qui sont représentés. Il faut garder éternellement toutes ces choses au fond de son coeur. C’est pourquoi on a pris la photo, vous comprenez ?
– oui, je sais. D’ailleurs, je les ai toujours conservées soigneusement. Et chaque fois que je les regardais, je pouvais faire revivre des souvenirs précieux. Ils me remplissaient de nostalgie au point de me faire souffrir d’une tristesse lancinante. Dans le petit bois des souvenirs où se dressent ici et là quelques arbres frêles, les photographies sont comme de la magnétite. Mais maintenant, il faut y renoncer. C’est inquiétant et difficile de les perdre, mais je n’ai pas suffisamment de force pour empêcher les disparitions.
– Même si vous ne pouvez pas les empêcher, vous n’êtes pas obligée de brûler les photographies. Le monde a beau se transformer, les choses importantes sont importantes. Leur essence reste inchangée. Si vous gardez les photographies, elles vous apporteront forcément quelque chose. Je ne veux pas que votre mémoire se vide encore plus.
– Non… ai-je dit en secouant faiblement la tête, maintenant regarder des photos ne fait plus rien revivre en moi. Je ne souffre même plus de nostalgie. Désormais ce ne sont rien de plus à mes yeux que des petits morceaux de papier brillant. Une nouvelle cavité s’est creusée en mon coeur. Que rien ni personne ne peut combler. C’est cela les disparitions. Je pense qu’il vous est peut-être difficile de comprendre…

Nous étions maladroitement enlacés.

Maintenant je pouvais apprécier avec mon propre corps son expression physique, son ossature solide, l’extrémité délicate de ses doigts et la souplesse de ses muscles qu’il déployait pour les clavecins. Ses bras essayaient petit à petit de combler le vide entre nous. Je ne m’y suis pas opposée.
– Il suffit de vous asseoir ici et de poser vos doigts sur le clavier, et les sons vont sortir tout de suite. Ces doigts qui sont là…
Je serrais sa main gauche. Mon véritable souhait était de rester ainsi éternellement. Et pendant ce temps-là, en paroles, je répétais que je voulais qu’il touche le clavecin et pas moi. Mais ce n’était pas contradictoire. Ma peau, mon sang, ma langue et mes tympans, tout en moi le désirait. Et je ne pouvais pas tricher.
Nous avons joint nos lèvres. La couverture est tombée une deuxième fois. Il y a eu un bruit de chaises ébranlées. Ce fut un baiser calme. Un baiser qui a réchauffé discrètement les ténèbres derrière nos paupières.
Il a fait tout ce que je voulais. Il a réveillé un à un les plaisirs gelés. Nous avons enlevé nos vêtements et nous nous sommes allongés sur la couverture sans nous éloigner un instant l’un de l’autre. Ses doigts remuaient si doucement qu’ils donnaient l’impression d’avoir peur. Comme s’il jouait sur mon corps au lieu de toucher un clavier. Sous les yeux du clavecin.

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