Cahier de citations
Je ne crois en rien,
je n’adhère à aucune croyance, il se mêle assez d’incertitudes à mes pensées pour révoquer toute adhésion à quelque vérité que ce soit. Je démêle mes passions, j’identifie mes désirs, je tente de les affiner et de les harmoniser en sorte que leur accomplissement prête à mon existence cette plénitude que le bonheur amoureux a le privilège d’illustrer sans détours. Je n’obéis qu’à une seule sollicitation : vouloir, pour les autres et pour moi, que le plus heureux m’échoie. Je le veux sans autre raison que la sereine raison de l’enfant : parce que j’en ai envie.
J’invoque
le solipsisme insensé, la folie de l’incomparable, la réalité d’être unique. Je veux être là et aller sans savoir où je vais, comme si mes pas savaient.
Qui regarde toujours,
pour savoir la suite, n’agira jamais, et tel doit bien être le spectateur.
En revanche,
se rendre disponible au présent et lui demander autant d’occasions actives de connaître les signes caractéristiques du plaisir – la volupté qui chatouille agréablement les sens, pour le dire comme Cicéron -, voilà une définition de l’hédonisme. Pure présence disponible au monde, capacité d’accueil des voluptés et des joies, adhésion au réel, autant de façon de se guérir des souffrances psychiques, tâches auxquelles Aristippe assigne la philosophie.
Quand on se plaint
de la méchanceté d’autrui, on oublie cette autre méchanceté plus redoutable encore, celle qu’auraient les choses s’il n’y avait pas autrui. Il relativise le non-su, le non-perçu ; car autrui pour moi introduit le signe du non-perçu dans ce que je perçois, me déterminant à saisir ce que je ne perçois pas comme perceptible pour autrui. En tous ces sens, c’est toujours par autrui que passe mon désir, et que mon désir reçoit un objet. Je ne désire rien qui ne soit vu, pensé, possédé par un autrui possible. C’est là le fondement de mon désir. C’est toujours autrui qui rabat mon désir sur l’objet.
…..
Une fois de plus,
ç’a été comme si elle ne m’avait pas vu. Je n’ai commis d’autre erreur que celle de garder le silence moi aussi.
Lorsque la femme est arrivée aux rochers, je regardais le couchant. Elle est demeurée immobile, cherchant un endroit pour étendre sa couverture. Puis elle a marché vers moi. Je n’aurais eu qu’à étendre le bras pour la toucher. Cette possibilité m’a fait frémir de terreur (comme si j’avais été en danger de toucher un fantôme). Il y avait quelque chose d’effrayant dans sa manière d’ignorer ma présence. Cependant, en s’asseyant à mes côtés, elle me provoquait et, d’une certaine manière, mettait fin à cet éloignement.
“Ça te dégoûterait vraiment tellement
de me toucher un peu ??!!” s’écria-t-elle coupante – “Ça commence bien !!” dit-elle secouée d’un bref sanglot.
Donc : toucher : nous nous entremêlâmes, lugubres, nous étions des débutants, avec des grimaces ; le vent s’en mêla ; des doigts étranglaient et foraient, ma main en savait plus que moi – jusqu’à ce qu’elle émît un gloussement et me pria avec franchise : “Moi non plus je ne sais pas encore vraiment m’y prendre. : mais demain soir nous le ferons comme il faut : avec de la lumière ! Ah !” / “Nous avorterons à chaque fois, dis” jura-t-elle avec détermination “même s’il faut que je mâche des forêts entières de sabines !”. / “tu pourras du reste m’apprendre le métier d’arpenteur – je participerai à tout, dis !” Et sa grande bouche s’ondula de bonheur – par conséquent je pris à nouveau possession d’elle en bloc, du convexe au concave ; moi, envahi par des serpents de doigts jaunes.